CADHP: Une cour africaine sous pression

Et l’État ivoirien qui se découvre maître-chanteur! Le mercredi 29 avril 2020, il était dans une colère noire contre la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).

Et il annonçait, avec fracas, son retrait de la déclaration de compétence du protocole relatif à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Motif, il refusait, mauvais joueur, d’exécuter l’arrêt, en date du mercredi 22 avril 2020, de cette Cour qui lui demandait la suspension des poursuites contre Soro Guillaume.

Et moins de trois mois plus tard, soit le mercredi 15 juillet, il est dans une joie indicible et aux anges. Par la voix de son porte-parole et faisant fi de la souveraineté nationale hier alléguée, le gouvernement a salué, aussitôt et par communiqué, un autre arrêt de la Cour.

Le PDCI-RDA a, en effet, toujours refusé de siéger malgré l’ordonnance n°2020/306 du 4 mars 2020 qui lui offre une place tant au niveau de la Commission électorale centrale que dans les Commissions électorales locales (CEL); le parti ayant déféré la loi sur la composition de la Commission électorale indépendante (CEI) devant la Cour. Mais il vient d’être débouté pour son recours contre la partialité et la dépendance de l’organe électoral.

Le tableau montre l’environnement malsain qui a présidé à l’examen de la saisine de l’ex-parti unique et la difficulté pour les juges de la Cour de travailler dans la sérénité.

Car, le 10 août 2019, soit cinq jours seulement après la promulgation de la loi n°2019-708 du 5 août 2019 portant recomposition de la CEI, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, donnait satisfecit au pouvoir ivoirien pour contrer les protestations de l’Opposition. Mauvais signal pour les juges mis, pieds et poings liés, devant le fait accompli.

De plus, le mouvement enclenché de retrait des pays de la Cour (Rwanda, Bénin et Côte d’Ivoire), est une raison supplémentaire qui met une forte pression sur les juges, livrés à la vindicte.

Par conséquent, ceux-ci se savent attendus et marchent sur des oeufs. Ils doivent ainsi, à leur corps défendant, apprendre à ménager la chèvre et le chou, en disant un droit qui tienne compte des paramètres politiques.

Ainsi, alors que la Cour soutient, dans son arrêt du 15 juillet 2020, que la loi portant recomposition de la CEI n’est pas attentatoire à l’indépendance et à l’impartialité de l’organe électoral, elle ouvre une brèche dans la muraille en prenant finement son contrepied.

D’une part, la Cour condamne « le déséquilibre manifeste du nombre de président des Commissions électorales locales (CEL) ». 529 sont pour le parti au pouvoir et seulement 20 pour l’Opposition.

L’arrêt demande la reprise des élections qui ont été effectuées avant l’ordonnance n°2020/306 du 4 mars 2020 modifiant la loi n°2019-708 du 5 août 2019.

D’autre part, elle déplore l’absence d’un mécanisme garantissant la nomination transparente des membres des partis de l’Opposition et des organisations de la société civile sur des critères prédéterminés.

La Cour exige alors la reprise du choix de ces représentants, souverainement et sans interférence du pouvoir par les partis de l’Opposition et les organisations de la société civile.

Et, pour doucher la joie du pouvoir, la Cour africaine finit pour dire que ces mesures doivent être exécutées avant l’organisation de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020.

« L’État a trois mois pour faire rapport des mesures prises et ultérieurement tous les six mois jusqu’à ce qu’elle (la Cour) considère que ces ordonnances ont été pleinement exécutées », a intimé la Cour pour conclure à l’effet de reprendre d’une main ce qu’elle a donné de l’autre.

F. M. Bally

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