Discours à la Nation en Côte-d’Ivoire: Ouattara contente son camp et gâche la fête aux autres

Alassane Dramane Ouattara était attendu par ses concitoyens. Avant ce 6 août ils étaient nombreux à pronostiquer sur le contenu de son discours. Annoncera-t-il sa candidature ? le fera-t-il plus tard ? Créera-t-il la surprise, une fois n’est pas coutume, pour son dernier discours de veille d’indépendance en annonçant des mesures fortes en faveur de la réconciliation et de la cohésion nationale ?

A l’arrivée, Alassane Ouattara annonce qu’il répond favorablement aux sollicitations de ses partisans et qu’il est candidat. Dans un discours monocorde, semblable aux précédents discours en cette circonstance où il vante une Côte d’Ivoire rayonnante sous sa houlette. Oublié donc son engagement du 5 mars devant les deux chambres de son parlement réunies. Il contente ainsi ses militants qui ne juraient que par lui dans une sorte de cirque en défilant à sa résidence privée de Cocody Riviera Golf des jours avant. Des cadres du Rhdp aux chefs traditionnels en passant par la haute garde militaire, les magistrats, les préfets et les militants indécrottables de son parti, tous ont été démarchés pour donner corps à ce qui vient de se produire.

Il n’y a pas eu de surprise et il n’y aura donc pas de surprise avec Alassane Ouattara qui reste fidèle à une certaine ligne de duplicité que lui connaissent ses opposants. Pas d’annonce forte hormis sa candidature que tout le monde voyait venir après avoir fait durer le suspense.

Pour ses adversaires, l’occasion ne sera pas celle de la libération des prisonniers de la crise postélectorale qui croupissent encore dans les geôles et qui ont été rejoints depuis décembre 2019 par des députés proches de Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale en exil en France. Les exilés de la crise postélectorale, les réfugiés des camps du Ghana et du Liberia ne trouveront pas de satisfaction. Leur espoir est douché, différé, loin des leurs, dix ans après la guerre.
Les seuls à jubiler dans une joie à demi-teinte sont ses partisans qui trouvent en Alassane Ouattara une sorte de parapluie, un protecteur des intérêts du clan. La parole d’honneur bafouée, la parole présidentielle désacralisée ce n’est pas leur préoccupation du moment. Ils ont trouvé dans les contorsions des lois électorales et une lecture subjective de la constitution, leurs sujets de prédilection. ‘’C’est nous qui lui avons demandé de revenir’’, assurait encore ce vendredi Adama Bictogo sur Rfi comme si au Rhdp, il n’y avait qu’un seul homme sans qui tout s’effondrerait. Alassane Ouattara, on le savait, a pris goût au pouvoir au fil des années, lui qui avait demandé ‘’seulement cinq ans’’ pour changer la Côte d’Ivoire, mais de là à renier sa parole comme un Simon Pierre, on se demande si le monde n’a pas tourné à l’envers ce soir-là.

A Abidjan, les rues n’ont pas connu une effervescence particulière à part quelques parades de militants à Abobo. Sa décision a été accueillie dans l’indifférence de Cocody à Yopougon. L’événement de ce 6 août, ce n’est pas tant l’annonce de la nouvelle candidature de Ouattara, c’est plutôt la surprise spectaculaire qu’il crée en revenant sur un engagement solennel. Se dire et se dédire, même si cela est propre aux démocraties des républiques bananières d’Afrique, l’on a pensé que la Côte d’Ivoire en serait épargnée après tant d’années de turbulences sociopolitiques. La cohésion perdue, les divisions permanentes, les angoisses, les frustrations, l’exclusion d’une élite politique, la Côte d’Ivoire qui célèbre ses 60 ans d’indépendance ce 7 août n’aura pas tiré toutes les leçons de ces maux qui ont miné la construction du pays.

Alassane Ouattara a dit qu’il se représente afin de préserver la stabilité du pays. Soit, mais sa seule personne est-elle le gage absolu de cette stabilité ? La stabilité à bâtir en Côte d’Ivoire est celle qui résiste à toutes les ambitions personnelles, celle qui perdure au fil du temps parce que ses bases auront été renforcées par l’acceptation des lois qu’on s’est données. Rien d’autre.

Il y aura donc, ce 7 août fête chez les Ouattara et angoisse chez les opposants. L’on aurait voulu accueillir ce soixantième anniversaire dans la ferveur même teintée par Coronavirus. Hélas !
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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