Alassane Ouattara: Une nouvelle lecture de la Constitution du 8 novembre 2016 (acte 1)

Quand les vrais motifs de son inéligibilité à un troisième mandat ont été cachés et noyés dans un faux débat d’Experts sur l’article 183 :

(Acte 1) : un Président de la République, expressément maintenu
en fonction au titre de son second mandat par les articles 179 et 184
de la Constitution du 08 novembre 2016, avec ses prérogatives,
obligations et antécédents constitutionnels

Par :
DAN Félix KAMAYO, ivoirien, Expert
Juriste Consultant international

Aujourd’hui, ce n’est un secret pour personne que le comité d’Experts rédacteurs de la
Constitution du 08 novembre 2016 est divisé sur la question de l’article 183, depuis la sortie
médiatique le 29 juillet 2020, du Ministre Cissé BACONGO, Conseiller spécial du Président
de la République, en ces termes :

« Vous savez, j’ai eu 4 ans pour lire et relire les dispositions de la nouvelle constitution et,
notamment les articles 55 et 183.
Je reconnais en avoir fait une mauvaise interprétation à l’époque (…). La constitution du 08
novembre remet effectivement les compteurs à Zéro ».

Cette sortie n’est pas partagée par d’autres membres du comité d’experts, qui ont requis
l’anonymat.

C’est dire donc que le débat reste toujours ouvert et c’est dans ce contexte qu’il m’apparaît,
nécessaire d’intervenir en vue de restituer par l’analyse juridique objective, ce qui a été fait
dans la nouvelle Constitution, malheureusement passé sous silence aussi bien par le régime, ses
experts rédacteurs que par les jurisconsultes de l’opposition, et qui cependant établit de façon,
incontestable et irréfutable l’inéligibilité de Alassane OUATTARA à un quelconque nouveau
mandat présidentiel, soit-il la troisième ou le premier.

C’est officiel, le Président Alassane OUATTARA est candidat déclaré à l’élection
présidentielle prochaine et des voix s’élèvent pour soutenir juridiquement qu’il est éligible à un
troisième ou premier mandat présidentiel, nonobstant, les stipulations de l’article 55 nouveau
de la Constitution du 08 novembre 2016 en vigueur qui précise que : « Le Président de la
République est élu pour cinq an au suffrage universelle direct. Il n’est rééligible qu’une seule
fois. Il choisit un vice-Président en accord avec le parlement… »
.

Cette disposition constitutionnelle institue la limitation des mandats présidentiels à deux en
Côte d’Ivoire. Aussi, convient-il de se poser la vraie question juridique qui s’impose en
l’espèce, à savoir quel est le statut personnel d’Alassane OUATTARA au regard de la
Constitution du 08 novembre 2016, vu que cette Constitution est entrée en vigueur au cours de
son second mandat engagé, après son élection en 2015 sous l’empire de la défunte Constitution
de 2000.

Subséquemment, son entrée en vigueur, a-t-elle pu emporter une remise à Zéro des compteurs,
c’est -à-dire, l’effacement de ses deux mandats précédents, avec la possibilité pour le Président
de la République de faire deux autres mandats en raison de sa nouveauté ?
Les réponses à ces questions requièrent avant tout propos et de façon préjudicielle, de rappeler
quelques notions démocratiques et en l’occurrence l’exigence dans tout système démocratique
et républicain comme le nôtre, de l’exercice du pouvoir par des personnes élues. En Côte
d’Ivoire nous sommes dans le cas d’espèce d’une République démocratique attachée au principe
de l’Etat de droit. (Cf. préambule de la constitution du 08 novembre 2016).

Selon Wikipédia, l’encyclopédie libre, la République désigne un mode de gouvernement dans
lequel le pouvoir est exercé par des personnes élues. La République est surtout une forme
d’organisation de la dévolution et de l’exercice du pouvoir politique institutionnalisé dont la
naissance est liée à l’adoption par le peuple d’une Constitution. Elle est toujours suivie
d’élection pour la désignation du Président de la République. L’élection réalise ainsi, une
profonde légitimation pour l’exercice du pouvoir souverain.

En France, on en est à la 5ème République dont le fonctionnement est régi par la Constitution du
4 octobre 1958. Elle a été suivie par les élections législatives des 23 et 30 novembre 1958 et de
l’Élection du Président de la République, le 21 décembre 1958 qui a été remportée par le
Général Charles De GAULLE.

En Côte d’Ivoire, la première Constitution, promulguée le 04 novembre 1960 a été suivie du
scrutin présentiel du 27 septembre 1960 qui a vu l’élection, de Son Excellence, de vénérée
mémoire, le Président Félix Houphouët BOIGNY, 1er Président de la République de Côte
d’Ivoire. En son article 74, elle stipulait :

« Les dispositions nécessaires à l’application de la présente Constitution feront l’objet des lois
votées par l’Assemblée nationale.
Le président de la République devra entrer en fonctions et l’Assemblée nationale se réunir au
plus tard à la date du 12 décembre 1960 ».

En 2000, avec la 2ème République, le principe va également être respecté et la 2ème République
débutera avec l’élection présidentielle du 22 octobre 2000 qui sera remportée par le Président
Laurent GBAGBO.

Par contre, en 2016, avec la Constitution du 08 novembre 2016, tout ivoirien a pu constater
qu’elle n’a pas été suivie d’une nouvelle élection du Président de la République pour la
mise en place de 3ème République.

Ainsi, s’il est pertinent de soutenir que la naissance d’une nouvelle République remet les
compteurs à zéro, avec l’avènement d’une nouvelle ère politique marquée par de nouvelles
institutions, force est de faire remarquer que cette nouvelle ère s’accompagne logiquement de
l’élection de nouveaux dirigeants, en l’occurrence à la Présidence de la République pour les
incarner légitimement.
Le Constituant de 2016 n’ayant pas jugé nécessaire de convoquer à nouveau le peuple pour la
désignation d’un nouveau Président de la République qui aurait prêté serment sur la Nouvelle
Constitution, que s’est-il donc passé ? Aussi convient-il de s’interroger sur le statut
constitutionnel du Président actuel.

I. Alassane OUATTARA : un Président de la République, expressément maintenu en fonction au titre de son second mandat par les articles 179 et 184 de la Constitution du 08 novembre 2016, avec ses prérogatives, obligations et antécédents constitutionnels

Quel statut la constitution du 08 novembre 2016 confère-t-elle à Alassane OUATTARA, vu
qu’elle est entrée en vigueur au cours de son second mandat engagé, après son élection en 2015
sous l’empire de la défunte Constitution de 2000 ? Comment son cas a-t-il été réglé par le
Constituant, sans qu’on ait eu à procéder à une nouvelle élection ?

La réponse à cette question essentielle est fournie par les stipulations des articles 179 et 184 cidessous insérés au titre XVI de ladite Constitution qui traite des dispositions transitoires et finales. Il s’agit là, d’indices intrinsèques tirés de la constitution elle-même, dont la lecture est
suffisamment révélatrice.

Art.179
« Le Président de la République en exercice à la date de la promulgation de la présente
Constitution nomme le Vice-Président de la République après vérification de ses conditions
d’éligibilité par le Conseil constitutionnel. Le Président de République met fin à ses fonctions.
Le Vice-Président de la République ainsi nommé prête serment dans les conditions prévues par
la loi devant le Conseil constitutionnel réuni en audience solennelle. »
art.184
« La présente constitution entre en vigueur à compter du jour de sa promulgation par le
Président de la République.
Elle est publiée au Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire et exécutée comme loi de
l’Etat »
Ces deux dispositions relatives à la désignation du Vice-président de la République et à l’entrée
en vigueur de la Constitution, montrent expressément, le maintien en fonction du Président
Alassane OUATARA pour permettre l’application de la Constitution au cours de son second
mandat.
On note à cet effet, l’utilisation par le constituant à l’article 179 alinéa 1 ci-dessus, de la
terminologie de « Président de la République en exercice » renvoyant à Alassane
OUATTARA, dont les prérogatives présidentielles sont sollicitées pour désigner le Vice-

Président et promulguer la Constitution. En outre, de cet exercice, il ne peut s’agir que de celui
de son second mandat de 2015 à 2020.

Ces dispositions constitutionnelles traduisent au plan juridique l’application d’un principe
général du droit à valeur constitutionnelle dans tout système juridique au monde : celui de
l’intangibilité des droits acquis, motivé par le souci d’assurer la sécurité juridique des situations
personnelles et leur continuité. En d’autres termes, le principe des droits acquis, un élément
constitutif de l’Etat de droit.

S’agissant de Alassane OUATTARA, c’est la reconnaissance ou confirmation de son statut
personnel de Président de la République en exercice au titre de son second mandat, établi par
le Conseil constitutionnel lors de sa prestation de serment en 2015 et la continuité de ce statut
sous la 3ème République qu’il chapeaute sans y avoir été élu.

Celui-ci, ayant été acquis à l’occasion de sa victoire pour son second mandat à l’élection
présidentielle de 2015, tenue sous l’empire de la Constitution de 2000.

Comme on le voit, la Constitution actuellement en vigueur n’a pas pu faire disparaitre à
l’évidence pour Alassane OUATTARA, ce qui a été fait par le passé sous l’empire de la défunte
Constitution. Ses précédents mandats, n’ont donc pas été effacées, ils ont été actés et repris par
la nouvelle constitution à travers les articles 179 et 184 qui l’ont maintenu en fonction, avec ses
droits, ses obligations et ses antécédents constitutionnels, bref son statut personnel
antérieurement acquis. Ces précédents mandats n’ont donc jamais été effacés par la
Constitution, vu que sa qualité de Président de la République n’a nullement été remise en cause.

L’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, qui au demeurant le maintien en fonction ne
peut opérer une novation avec un quelconque effet d’effacement. Dans ce cas d’espèce, le
Constituant, l’aurait stipulé clairement.

Dès lors, il apparait incongru de spéculer ou épiloguer sur un quelconque effet d’effacement de
mandats quand la constitution ne l’a pas prévu et de surcroît maintient expressément Alassane
OUATTARA en fonction en qualité de Président de la République. Comment comprendre, si
ce n’est sur la base de ses antécédents constitutionnels et notamment, de son élection en 2015,
et sa prestation de serment pour son second mandant, dont le Conseil Constitutionnel est le
gardien.

Si, cette argumentation devait être réfutée par d’éventuels contradicteurs, comment ces derniers
justifieraient-ils techniquement la position, sans y avoir été élu sous son empire, d’Alassane
OUATTARA à la tête de la nouvelle République ? Et je dis bien la République.

La remise absolue des compteurs à zéro, alléguée par les partisans du pouvoir et qui équivaut à
invoquer l’effacement aurait dû nécessiter la convocation d’une nouvelle élection présidentielle
après l’adoption de la Constitution en 2016, comme cela l’a été pour les parlementaires.

La théorie de l’effacement des mandants précédents ou de la non retro activité de la
constitution, soutenue par ceux qui s’en servent comme un bouclier relève purement et
simplement de l’imaginaire politicien et non du droit, car un mandat constitutionnel en cours,
notamment el second ne peut s’effacer sans que le Président de la République ne soit lui-même
effacé et renvoyé devant le peuple souverain.

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