Laurent Gbagbo « éliminé » de la présidentielle en Côte-d’Ivoire: Quelle attitude pour ses millions de partisans ?

Le chef de l’État Alassane Ouattara l’avait promis et juré. Le pays ne retomberait pas dans les mains de ceux qui l’ont entraîné dans la crise. Se dédouanant lui-même et en attendant le sort qu’il réserve à Bédié, il vient de franchir une étape, frappant par la main lourde d’une justice aux ordres, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro Kigbafori.

Ce dernier a déjà vivement réagi en promettant en filigrane l’enfer au régime d’Alassane Ouattara, sou mentor d’hier.

Les partisans de Gbagbo réagissent ce mercredi lors d’un point de presse.

Que vont-ils dire et que va-t-il se passer ? On n’en sait rien pour l’heure. Une chose est cependant sûre, cette décision de radiation de la liste électorale ne peut qu’exacerber les rancœurs et radicaliser les positions. Successivement, le Fpi d’Assoa Adou, l’Ung de Stéphane Kipré et l’Aird de Kahé Eric avaient au cours de leurs assises respectives plébiscité la candidature de l’ex-président en exil en Belgique après son acquittement à la CPI. C’est désormais une sorte de non-événement pour ces formations d’avoir agi ainsi. Laurent Gbagbo ne sera pas de la course pour ce qu’il est donné de voir.

Il leur faut changer de fusil d’épaule. Et ils ont désormais le choix entre mobiliser la rue afin de contraindre le pouvoir à accéder à leur revendication, boycotter le scrutin à venir et adouber un candidat qui porte le mieux les aspirations de Gbagbo. Celles de la souveraineté, de l’enracinement de la démocratie et la réalisation d’une réconciliation nationale vraie.

Dans le premier cas, les prémisses d’une mobilisation n’ont pas réussi à faire bouger les lignes, le pouvoir ayant répondu par une répression sanglante de nature à dissuader toute tentative d’insurrection populaire. Il est vrai que la rue a réussi à ternir le visage du régime et assurer une victoire morale ponctuée par une montée de la grogne mais il est à noter une mobilisation encore insuffisante pour faire frémir le régime. Il y a encore une certaine torpeur chez les populations qui ont en mémoire les tristes souvenirs de 2011.

Dans l’option du boycott, les pro-Gbagbo devront s’armer moralement pour subir encore cinq ans d’oppression parce qu’à la vérité, ce boycott serait du pain béni pour Ouattara s’il n’est accompagné d’actions significatives de nature à changer la donne. L’on a vu le résultat du boycott des précédentes échéances. Certes légitimes, ces différents boycotts n’avaient pas empêché Ouattara et les siens de savourer les fastes du pouvoir et d’installer leur hégémonie sur toutes les institutions de la République. Il y a des leçons à tirer de là surtout que 2011 n’est pas 2020. Le contexte a bien changé et Ouattara ne bénéficie plus de ce soutien massif de ses parrains et mandants. Ils sont nombreux à l’avoir lâché et même s’il feint de ne point en être ébranlé, il a tout de même perdu cette aura et cette légitimité légendaires d’où il tirait sa force. Un acteur politique a assimilé cette situation à  »une mort » de son Rhdp.

Ouattara est, à l’analyse de ce qui précède, bien faillible et il serait incompréhensible de lui redonner un souffle nouveau par un acte de boycott.

Il ne reste plus aux partisans de Gbagbo la dernière option. Celle de prendre fait et cause pour un candidat qui porte la même vision du monde qu’eux. Bien sûr qu’ils ont un accord de collaboration avec le Pdci, bien sûr qu’Affi N’guessan jure encore qu’il travaille pour Gbagbo et défend encore quelques valeurs qui ont fondé le Fpi. Il faudrait alors froidement analyser la situation du moment et faire un choix de raison visant à évincer d’abord le locataire du palais du Plateau et régler ensuite les contradictions internes.

A l’analyse, il y a ici une opportunité à saisir. Laurent Gbagbo qui vit une situation d’injustice mêlée à une ingratitude après avoir favorisé ses adversaires sous son magistère, a encore des chances de candidater en 2025. Il aura alors 80 ans. Pourquoi ne pas soutenir un candidat qui favoriserait son retour. A ce niveau, il conviendra de renforcer la collaboration avec le Pdci en jouant désormais cartes sur table dans une alliance électorale. Laquelle déboucherait sur un partage du pouvoir en cas de victoire. Une victoire qui est à portée de main pour l’opposition si elle sait saisir et capitaliser ses chances.

Dans la configuration politique actuelle, il est clair qu’aucun parti politique fut-il au pouvoir ne peut gagner plus de 50% des voix au premier tour. Même populaire Laurent Gbagbo n’avait pas réalisé cet exploit. Pour être victorieuse, il revient aux stratèges de l’opposition de mettre en place un plan qui favorisera la mobilisation massive des électeurs et un autre plan pour canaliser et surveiller le vote le jour-j.

C’est peut-être à ce prix qu’ils « déboulonnerons » Alassane Ouattara.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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