Lionel Jospin, 83 ans, «le macronisme c’était de l’opportunisme…le plus efficace des dégagismes»

Lionel Jospin dresse l’inventaire des trois premières années du macronisme

Avec une sagesse teintée de mélancolie, l’ancien premier ministre socialiste analyse dans un livre, « Un temps troublé » (Seuil), la présidence d’Emmanuel Macron et les raisons de sa victoire en 2017.

Par Solenn de Royer

Livre. C’est une voix qui vient de loin. Près de vingt ans après avoir quitté la vie politique, Lionel Jospin – qui a retrouvé sa liberté de parole après avoir passé quatre années au Conseil constitutionnel – s’invite dans le débat public avec un livre, Un temps troublé (Seuil, 256 pages, 19 euros), publié le 3 septembre.

L’ancien premier ministre socialiste (1997-2002), qui a été sèchement battu dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2002 – ouvrant la voie à un second tour inédit et saisissant entre Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen – a voulu comprendre ce qui s’était passé en 2017 avec l’avènement surprise d’Emmanuel Macron, dans un paysage politique totalement bouleversé.

Dans ce livre court, net, précis, à l’écriture impeccable et fluide, celui qui a gardé une réserve quasi constante pendant dix-huit ans, refusant de se transformer en commentateur galvaudé de la vie politique, commence par dresser un inventaire implacable des vingt-cinq dernières années : depuis la trahison de Jacques Chirac, en 1995, qui a renoncé à réduire la fracture sociale comme il s’y était engagé, jusqu’aux désillusions de l’électorat socialiste pendant le quinquennat de François Hollande, en passant par les erreurs et les excès du sarkozysme.

Aux déceptions suscitées par trois présidents successifs se sont ajoutés le référendum perdu sur l’Europe en 2005 (suivi du déni de celui-ci) ainsi que la crise financière de 2008, ces deux événements ayant eu des conséquences économiques, sociales et politiques « rudes pour les peuples », observe l’auteur, contribuant à alimenter le scepticisme et les frustrations des Français.

Pour Lionel Jospin, âgé de 83 ans, l’avènement d’un quasi-inconnu de 40 ans est ainsi bien davantage le fruit des faillites du passé – et de circonstances particulières ayant entouré l’élection présidentielle de 2017 – que d’une véritable adhésion au projet de ce dernier. Faute de l’avoir compris, Emmanuel Macron et sa majorité feraient preuve, selon lui, d’une « confiance excessive », les conduisant à l’imprudence. « Le succès entraîne souvent une griserie et celle que procure la croyance d’avoir gagné seul est trompeuse », écrit M. Jospin.

« Le macronisme : le plus efficace des dégagismes »

L’ancien premier ministre n’hésite pas à se montrer sévère avec ce jeune président « énergique et talentueux », mais « sans attaches » ni expérience politique. Si Macron a prôné la « révolution », la rupture avec le passé et les forces politiques antérieures, c’était d’abord et avant tout par opportunisme, pour conquérir plus efficacement le pouvoir, relève Jospin. « Le macronisme est devenu le plus efficace des dégagismes », analyse-t-il.

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*Dégagisme
Le « dégagisme » est un néologisme politique fondé à partir du verbe « dégager » et popularisé à partir de 2011 lors du Printemps arabe. Il tire en réalité son origine du mouvement de protestation (né au sein de la diaspora congolaise en 2010 à partir de l’opposant Eric Mulalu) visant à faire « dégager» Joseph Kabila, ancien président en exercice. Il est utilisé en politique pour demander l’éviction, par la force ou non, de la ou des personnes détenant le pouvoir, sans volonté de le reprendre, conduisant ainsi à une vacance du pouvoir. Il vise dans certains cas à générer une réflexion autour de la notion de pouvoir pendant la période de vacance sans pour autant réclamer qu’une nouvelle personne ne prenne le pouvoir. Wikipedia

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