Guinée: Alpha Condé sur les médias français «Je suis un démocrate, et pas un dictateur, j’ai gagné les élections de 1993»

Interview par Marc Perelman (France 24) et Christophe Boisbouvier (RFI)

Dans un entretien exclusif accordé à France 24 et RFI, le Président de la République de Guinée affirme qu’il ne viole pas la Constitution en se représentant pour un 3ème mandat. Il assure que les élections seront transparentes et affirme être un démocrate qui acceptera le verdict des urnes. Il nie catégoriquement avoir appelé ses partisans à la violence, assurant qu’il s’agit d’infox. Il ajoute qu’un de ses opposants a prévu de proclamer sa victoire, puis de se réfugier dans une Ambassade. Il dit ne pas craindre de scénario comme au Mali où le Président a été renversé par des militaires et par la rue. Il nie farouchement jouer la carte ethnique, soulignant qu’il a toujours tendu la main aux Peuls. Il accuse l’organisation Amnesty International, qui dans un récent rapport accuse les forces de sécurité d’avoir tué au moins 50 manifestants depuis l’an dernier, d’avoir conduit une enquête à charge. Enfin, Alpha Condé affirme que les auteurs de l’attaque du 28 septembre 2009, sous la junte du capitaine Moussa Dadis Camara contre des opposants réunis dans un stade de Conakry, seront bientôt jugés.

Alpha Condé affirme que son passé plaide pour lui. Interrogé sur l’ambition d’une présidence à vie que lui prêtent ses adversaires, il répond que, depuis 44 ans, il se bat pour la démocratie. « J’ai fait de la prison sous Sékou Touré. J’ai gagné les élections de 1993. Si j’avais voulu être président à vie, j’aurais pris le pouvoir [avec le soutien des militaires] dès 1993 », affirme-t-il.

Pour écoutez l’interview cliquez ici

Alpha Condé: “je ne suis pas ethniciste, je suis panafricaniste”

Par Albert Savana

“L’enfer c’est les autres” disait Jean Paul Sartre. Alpha Condé n’en dit pas moins, pointant du doigt ses adversaires et s’étonnant du silence vis-à-vis de ces chefs d’Etat africains qui font 4 à 5 mandats en toute tranquillité. Dans un entretien avec France 24 et RFI (ses médias préférés en bon panafricaniste), diffusé ce 6 octobre, le président qui se représente pour un troisième mandat nie tout en bloc. “bien sûr qu’il n’est pas ethniciste car, en tant que Malinké, il parle mieux Soussou que quiconque”.

Les reproches d’Amnesty International ? “Ce sont des enquêtes à charge, des rapports unilatéraux”, s’emporte-t-il. Les massacres de Zérékoré du 4 août 2012 par des Forces de Défense et de Sécurité? Ce sont des gens qui sont venus du Liberia et qui portaient des gris gris.

En clair, le président guinéen se lave à grande eau, se posant en démocrate et non en dictateur, réfutant le spectre d’une présidence à vie. Invoquant ses 45 ans d’opposition, le militant de l’international socialiste botte en touche sur la question du troisième mandat, rappelant que la nouvelle constitution a été adoptée par référendum. A 82 ans, l’homme ne manque pas d’appétit, restant toutefois hésitant à la question du journaliste: “Est-ce votre dernier mandat “? La réponse relève de l’arbre à palabres: “il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué”, le président réservant sa réponse à plus tard, rappelant le suspens que ces présidentielles sont sensées nourrir.

En attendant, Alpha Condé fustige celui qu’il ne veut pas nommer, son principal opposant, Cellou Dalein Diallo, qui planifierait de proclamer sa victoire au soir du 18 octobre pour aller ensuite se réfugier dans une ambassade occidentale. Un modus operandi qui n’est pas sans rappeler le même Alpha Condé escaladant le mur d’une ambassade. C’était il y a bien longtemps, avant que le sympathique opposant ne soit dévoré par le président partisan de la non limitation des mandats. Et la Guinée n’était pas encore “la quatrième place mondiale par les fake news”, selon le classement Alpha Condé.

Arrivé au pouvoir en 2010, le panafricaniste auto-proclamé brandit les difficultés qui se sont dressées sur son chemin et qui expliqueraient, certainement – qui en douterait- , son modeste bilan. “J’ai hérité d’une nation, pas d’un Etat”, s’enhardit celui qui invoque l’exploit d’avoir obtenu le point d’achèvement PPTE (Pays pauvre très endetté) synonyme d’effacement de la dette de la Guinée. Ne lui demandez surtout pas son bilan de la décennie. Égrenant les difficultés, le président rappelle l’épreuve que fut Ebola.

Bref, dix ans après son arrivée au pouvoir, Alpha Condé n’aura pas encore vu l’entrée en production de la mine de fer de Simandou et la réalisation de ses infrastructures ferroviaires et routières qui figuraient dans son programme de 2010 et 2015. Le probable troisième mandat suspendu à un fichier électoral expurgé de 2,4 millions d’électeurs plus ou moins fictifs, sera-t-il celui des choses concrètes?

FinancialAfrik

Commentaires Facebook

2 réflexions au sujet de “Guinée: Alpha Condé sur les médias français «Je suis un démocrate, et pas un dictateur, j’ai gagné les élections de 1993»”

  1. « C’est pas moi, c’est les autres. Je suis blanc comme neige, modèle référencé d’ouverture politique et de démocratie. Mon opposant principal sent le souffre, dîne et dort chez belzébuth. Des manifestants morts, c’est la faute à l’opposition, et les organisations internationales, celles de défense des droits de l’Homme, etc n’ont qu’un projet du réveil au coucher : me charger de tous les péchés avec des enquêtes unilatérales ». On croirait presque entendre son homologue et collègue du pays voisin. A la différence de Condé, son collègue homologue et voisin lui, maintient ses opposants en exil, a sa liste électorale non-auditée, exclut ses adversaires du jeu politique. A la comparaison avec Ouattara, Condé n’a pas tors de se déclarer « démocrate ».

    Si les ampoules aux doigts de @Wara le lui permettent, je suis curieux de lire son appréciation comparative de ces 2 personnages. Je genre de discussion où, faute d’argument, il viendra encore gloser sur le sous-équipement de la Guinée en infrastructures.

  2. ==== UN DEMOCRATE DANS UN PAYS DONT LA MEMOIRE COLLECTIVE NE PEUT OUBLIER LE CAMP BOIRO ==========

    Le jugement est facilement à faire en Guinée. Après une époque terrible où le Camp Boiro était la destination sans frais de voyage des opposants et le passage de juntes militaires à la tête du pouvoir marqué notamment ce triste 28 septembre 2009, où un meeting politique organisé par le Forum de forces vives de Guinée dans le plus grand stade de Conakry, se terminera en bains de sang, viols et morts à la chaine, on peut avec euphémisme dire que ALPHA CONDE est un moindre mal.

    Quand bien même des experts de « Amnesty International » comme Fabien Offner, ont un tout autre avis ! L’opinion ne date que d’aout dernier…

    ===============
    L’impunité est totale

    Lors des manifestations, des cliniques privées héritent des victimes que les hôpitaux publics refusent d’accueillir, sur ordre des autorités, avec pour principales conséquences un nombre de victimes minimisé et une justice impossible pour des familles contraintes d’enterrer leurs proches dans l’urgence, sans autopsie. L’impunité est totale et la crainte de représailles ou l’absence totale de confiance en la justice freinent les familles dans leur quête de justice.

    A ces homicides illégaux récurrents s’ajoute une répression des libertés fondamentales. Le droit de rassemblement pacifique, garanti par le droit international, est bafoué. Au moins onze manifestations du FNDC ont été interdites entre octobre 2019 et février 2020, pour des motifs vagues ou dépourvus d’arguments juridiques valables.

    A Kankan, bastion électoral du pouvoir gagné ces dernières semaines par des protestations pour une meilleure desserte en électricité, le pouvoir a répondu en envoyant l’armée et en enfermant une vingtaine de personnes. Les responsables nationaux et locaux du FNDC sont mis sur écoute, pourchassés, arrêtés sans mandat, interrogés sans avocat et détenus même malades dans des prisons où le gouvernement a lui-même reconnu la présence du Covid-19. Les tentatives de préservation des droits humains se limitent aujourd’hui aux décisions courageuses d’une poignée de magistrats, d’avocats, et aux dénonciations de certains médias.

    Dix ans après l’élection d’Alpha Condé, il est temps pour les partisans des droits humains de faire le deuil de la Guinée promise et de prendre acte de la Guinée offerte. La Cédéao, l’UA, les Etats-Unis, la France et les autres membres de l’UE doivent peser de tout leur poids pour réclamer la création d’une institution judiciaire indépendante. Celle-ci devra enquêter sur les circonstances dans lesquelles, pendant toutes ces années, des manifestants et des passants ont été tués ou blessés lors de rassemblements de l’opposition ou lors de marches pour de meilleures conditions de vie. Les personnes suspectées d’homicides illégaux lors de ces événements doivent être poursuivies et traduites en justice.

    ==================

    @Coigny, rassures-toi « je ne viendrai pas gloser sur le sous-équipement de la Guinée en infrastructures… »

    ADO ETANT LE BAROMETRE DE L’EMERGENCE. A leur manière, Alpha CONDE et ses supporters se sont chargés de faire une analyse comparée des bilans :

    =================
    Makanera : ‘’le bilan d’Alpha Condé est supérieur à celui d’Alassane Ouattara’’
    in Politique, Société 12 août 2020

    L’ancien ministre de la communication Ahousseine Makanera a répondu à ceux qui estiment que président Alassane Ouattara a un bilan élogieux qui lui permet de briguer un 3e mandat contrairement à son homologue guinéen Alpha Condé.
    Alhousseine Makanera se dit en mesure de comparer le bilan des deux présidents secteur par secteur. ‘’Le budget d’un Etat, c’est comme la dépense qu’un père de famille donne le matin pour le repas. On donne à la femme, selon les besoins’’, enseigne-t-il.
    En 2012, affirme-t-il, ‘’le budget de la Côte d’Ivoire était dans l’ordre de 3.024 milliards CFA. C’est à peu près 10 fois le budget de la Guinée’’.
    Dans le domaine de l’électricité, compare-t-il, ‘’Alpha Condé a trouvé que le plus grand barrage hydroélectrique de la Guinée a une capacité de 75 Mégawatts. Toutes les capacités énergétiques dont disposait notre pays ne faisaient pas de 120 MW. Aujourd’hui, on a une puissance énergétique installée de 1000 MW. C’est 10 fois supérieur de ce qu’il a trouvé sur place. En faisant le même calcul, on trouve qu’Alassane Ouattara n’a même pas 20 fois de ce qu’il a trouvé en Côte d’Ivoire’’.
    En ce qui concerne les salaires des fonctionnaires, poursuit-il, ‘’Alpha Condé les a multiplié par 3. De l’autre côté, vous trouverez qu’Alassane Ouattara ne les a même pas doublés’’.
    Aussi, estime-t-il, ‘’Alpha Condé a fait une progression en termes de budget plus qu’Alassane. Quand Alassane est venu au pouvoir, il a trouvé le train sur les rails, il n’a fait qu’allumer la locomotive. Alpha Condé, lui, avait besoin de construire des rails, mettre la locomotive et les wagons avant de démarrer’’.
    ‘’Les deux [Alpha et Alassane] n’ont pas trouvé leur pays dans les mêmes conditions. La Cote d’ivoire est en retard par rapport au temps d’Houphouët Boigny. Par rapport à la situation de notre pays, aujourd’hui, personne ne peut dire que la Guinée était mieux économiquement au temps de Sékou Touré ou de Lansana Conté. Alpha Condé a fait plus que tous ses prédécesseurs’’.
    ‘’Voilà pourquoi je dis que le bilan d’Alpha Condé est supérieur à celui d’Alassane Ouattara’’, conclut Makanera.

    ===========

    Bien sûr toute l’opposition en rit encore aux éclats d’une telle comparaison !

Les commentaires sont fermés.