Le déclin des éléphants de forêts en Côte-d’Ivoire, tout un paradoxe alarmant

Anne-Sophie Tassart

Des chercheurs ivoiriens s’inquiètent du manque de protection reçu par les éléphants de forêt d’Afrique dans leur pays. Leur population est passée de 1.611 individus en 1994 à 225 aujourd’hui.

Des chercheurs ivoiriens de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan-Cocody alertent sur le déclin « généralisé » et « catastrophique » de la population nationale d’éléphants de forêt d’Afrique (Loxodonta cyclotis). Cette constatation est d’autant plus alarmante qu’elle a été faite dans les aires protégées du pays d’Afrique de l’Ouest.

Côte d’Ivoire : le pays situé au bord de l’océan Atlantique a été baptisé ainsi par les colons français à cause de son importante population d’éléphants. A la fin du 19e siècle, on estime même qu’il s’agissait de la plus importante d’Afrique de l’Ouest. Puis « malgré les premiers effets néfastes des activités humaines, le nombre d’éléphants est resté élevé jusqu’à l’époque coloniale », indique une étude publiée le 14 octobre 2020 dans la revue Plos One. Un âge d’or qui a pris fin durant les 30 dernières années. L’espèce Loxodonta cyclotis (dont les données génétiques suggèrent qu’elle se distingue de L . Africana, l’éléphant de savane d’Afrique) a souffert notamment du défrichage agricole. Jusqu’à maintenant, il était cependant difficile d’en dire davantage, les chiffres la concernant n’ayant pas été actualisés depuis plus de dix ans. L’équipe de recherche s’est donc appliquée à le faire. Pour cela, elle s’est basée sur quatre éléments : le relevé des déjections, les rapports faisant état de conflits humain-éléphant, les articles de presse et des questionnaires soumis entre 2011 et 2017. Les résultats obtenus sont catastrophiques.

Des aires protégées transformées en plantation de cacao

Sur les 25 aires protégées étudiées, la présence d’éléphants n’a été confirmée que dans quatre zones, où la densité d’éléphants était faible. En Côte d’Ivoire, la population d’éléphants de forêt est passée de 1.611 en 1994 à 225 aujourd’hui. « Au cours des deux dernières décennies, la population d’éléphants de forêt en Côte d’Ivoire a été réduite de 90%, souligne l’étude. Dans le même temps, le nombre d’aires protégées (AP, ndlr) abritant des fragments de forêt a diminué de 80%. La grande majorité des AP a perdu la totalité de ses populations d’éléphants en raison du manque de mesures de conservation, de la conversion des aires protégées en plantations, des établissements humains et du braconnage à l’intérieur des AP ». Ces zones sont pour de nombreuses populations d’éléphants leur unique refuge. Pourtant, elles ne sont pas protégées pour la grande majorité d’entre elles. « La forêt restante de Côte d’Ivoire est très fragmentée et se compose en grande partie de parcs nationaux et de réserves forestières nominalement protégés, s’inquiètent les auteurs de l’étude. La faune dans ces zones protégées est menacée par la chasse, l’empiètement des plantations de cacao sur les frontières des réserves et l’expansion de la culture illégale du cacao dans les parcs et les réserves elles-mêmes ». Les 25 forêts étudiées totalisent 3688,66 km2. 71% de ces terres ont été défrichées ou transformées en plantation. D’ailleurs, la Côte d’Ivoire a le taux de déforestation le plus élevé d’Afrique subsaharienne (265.000 hectares par an).

Les chercheurs ne cachent pas que la survie de ces éléphants dans un futur proche est incertaine en Côte d’Ivoire. Ils souhaitent la création de corridor pour permettre aux populations isolées de se rencontrer, et favoriser ainsi la diversité génétique. Ils veulent également voir leur gouvernement prendre des « mesures de conservation agressives ». « L’application de la loi pour la protection de leur habitat restant et des patrouilles de garde forestiers sont nécessaires pour protéger les populations d’éléphants de forêt restantes », notent-ils. Sinon, la Côte d’Ivoire pourrait bien voir disparaître l’animal qui lui a donné son nom.

Photo: Capture d’un éléphant lors d’une opération de déplacement le 21 janvier 2014 à Daloa en Côte d’Ivoire/AFP Sia Kambou

Source: Sciencesetavenir.fr

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