Côte d’Ivoire: Sous une fine pluie, le calme à Bonoua, qui retient tout de même son souffle

Christian Charles KOSSONOU

Dans la ville de Bonoua (Est d’Abidjan), où des violences ont éclaté pour contester la candidature « anticonstitutionnelle » du président Alassane Ouattara à troisième mandat, sous une pluie fine vendredi, les populations vaquent librement à leurs occupations, à quelques heures de la présidentielle ivoirienne qui cristallise toutes les passions.

Dans le secteur de la ville dénommée « Moquée », le torse nu, des jeunes jouent au footbal, ovationnés souvent par des spectateurs impressionnés par la prestation. « Fais-moi la passe, vite ! », peut-on entendre de la bouche d’un d’entre d’eux, devenu aphone par la force de ses cris répétitifs. « Laisse-moi jouer en paix », lui rétorque avec indignation son interlocuteur, qui ne semble pas apprécier la préoccupation posée par son coéquipier.

Sur la voie principale de la ville, malgré la pluie qui déverse de fines gouttelettes, la boulangerie « Délices de Paris » est pleine à craquer. Alignés de façon hétéroclite, les clients cherchent un moyen pour se ravitailler en pain.

C’est dans ce remue-ménage qu’apparaît Paul Kissi. Sur sa chemise verte figure l’expression: « Pour le respect de la Constitution ». A la question de savoir ce que cela signifie dans un contexte où l’opposition estime que le président Alassane Ouattara a violé la Loi fondamentale, M. Kissi ironise en expliquant qu’il a porté le vêtement « sans regarder » ce qui y était mentionné.

Autre décor, même réalité !A quelques encablures de l’Eglise méthodiste, une femme, la trentaine visiblement révolue, et croulant sous le poids d’un enfant qu’elle porte au dos, vend de l’Attiéké (semoule de maniocs cuit à la vapeur) accompagné du poisson fumé. L’un de ses clients, quant à lui, commande sa nourriture et se met aussitôt à la consommer rapidement, sans se soucier du regard de son entourage.

Si ces personnes précitées ont trouvé un refuge dans le sport et la nourriture, ce n’est pas le cas de certains habitants de Bonoua. Assis sur une chaise métallique qui couinait au moindre mouvement, Hurbert Konaté, la mine défigurée par des rides et la bouche puant l’alcool, estime qu’il ne peut pas s’exprimer avant le début de l’échéance électorale du 31 octobre. « Mon ami, demain n’est pas loin », a-t-il fait savoir, le sourire aux lèvres.

A quelques mètres de la Gendarmerie nationale, un gendarme et une jeune demoiselle, assis sur une table, se regardent tendrement. « Oh, arrête, arrête, je t’ai dit d’arrêter ce que tu fais », s’est exprimé l’homme, dans un français approximatif, avant que les deux personnes ne se mettent à rire aux éclats, comme s’ils avaient été actionnées par un appareil mécanique.

Cependant, aux environs de 19 H 32 minutes, derrière le siège de la municipalité de la ville, des corps habillés, arrêtés devant trois véhicules de leur corporation, parmi lesquels on pouvait apercevoir une dizaine d’agents de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), écoutaient visiblement les consignes de leurs supérieurs hiérarchiques, sous le flot des averses.

Depuis le lancement de l’appel à la désobéissance civile en Côte d’Ivoire par l’opposition pour contester la candidature du président sortant et « l’organisation d’un scrutin transparent et démocratique », au moins 30 décès ont été enregistrés dont au moins deux à Bonoua et plusieurs blessés.

Alerte info/Connectionivoirienne.net