«Le dernier combat d’Houphouët» Témoignages et révélations d’Alassane Ouattara

Dix-huit octobre 1905, naissait Félix Houphouët-Boigny. 7 décembre 1993, il est rappelé à Dieu. Il a vécu 88 ans, essentiellement consacrés à la Côte d’Ivoire. Houphouët-Boigny, c’était d’abord la lutte. Pour le bien-être des autres, de la société à laquelle il appartient. C’est dans l’ouvrage « Alassane Ouattara, La passion du devoir » de Moriba Magassouba (P110-P120), une biographie de l’ex-premier ministre Alassane Ouattara qui aborde les derniers jours du père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne. Témoignages et révélations d’Alassane Ouattara. Morceaux choisis P110-120

Depuis la capitale ivoirienne, le Premier ministre était resté en contact quasi permanent avec le Président et ses médecins traitants. En accord avec eux, il décide de lui rendre visite le 21 octobre.

La famille avait déjà pris des dispositions pour limiter les visites à son épouse et à ses enfants. Mais pendant son séjour, du 21 au 24 octobre, Ouattara a pu voir le Président, toujours aussi fatigué, le matin comme le soir. Celui-ci le reconnaissait à peine et n’arrêtait pas de réclamer son retour au pays natal.

Au terme de son séjour parisien, Ouattara fait le point avec la famille du « Vieux ». Celle-ci prend la décision de le faire transiter par Genève pour le soustraire à l’agitation de la résidence de la rue Masseran, espérant ainsi renforcer son état de santé avant le voyage à Abidjan ou à Yamoussoukro. Le 1 er novembre, le Président est transféré à Genève, sous la surveillance du Pr Maurice Guikahué, le futur ministre de la Santé publique de Henri Konan Bédié. Le corps médical est très réservé sur l’état de santé du Président et interdit strictement tout compte rendu téléphonique à son sujet. Le Premier ministre décide donc de faire le déplacement pour la capitale helvétique en compagnie d’Alain Belkiri, l’inamovible secrétaire général de la présidence. Sur place, il constate la nouvelle aggravation de l’état du « Vieux Ne disposant plus que de quelques moments de lucidité dans la journée, il n’était manifestement plus en mesure de prendre des décisions.

Les médecins ne se montrant plus du tout optimiste, la famille et Ouattara se mettent d’accord pour préparer le retour du malade en Côte d’Ivoire, le temps de s’assurer qu’il pourra effectuer, sans trop de souffrances, le long et probablement dernier voyage qui l’attendait vers la terre de ses aïeux. Une fois rentré de Genève, via Paris, le 16 novembre, le Premier ministre informe les présidents d’institution, dont Henri Konan Bédié, de l’évolution de la maladie du Président. Quelques jours plus tard, le président de l’Assemblée nationale se rend dans la capitale helvétique.



Avec le recul, Alassane Ouattara avoue avoir été surpris par la progression foudroyante du cancer de la prostate qui devait plonger le vieux Président dans un coma irréversible. Il explique, en effet, que lorsqu’il a vu en septembre, Cochin, le célèbre cancérologue français le Pr Debré qui était, ce moment-là, l’un des médecins traitants du Président, celui-ci lui avait donné l’assurance que le malade « en avait encore pour deux ans, sans problème ».

Dans l’esprit du Premier ministre, le chef de l’État avait donc encore du temps devant lui et pouvait, par conséquent, revenir éventuellement aux affaires dès que son état le lui permettrait.

Cet élément est important dans la mesure où il permet de comprendre les raisons de la fin de non-recevoir que le Premier ministre opposera, le 4 décembre, à la proposition du président de l’Assemblée nationale, Henri Konan Bédié, de déclarer la vacance du pouvoir alors que « le Vieux » était au plus mal.

Cependant, dès son retour de Genève, le Premier ministre prend des dispositions spéciales pour préparer le gouvernement et le pays à faire face à une éventuelle tragédie. Mais c’était sans compter avec la détermination des amis et du clan de Bédié qui, décidés à lui faire obstacle à tout prix, menaient déjà, depuis plusieurs semaines, une véritable guérilla contre lui au Parlement. C’est ainsi qu’un groupe de sept députés PDCI, proches du président de l’Assemblée nationale, se fend d’une lettre ouverte accusant le chef du gouvernement d’avoir réalisé un véritable coup d’État constitutionnel, en utilisant l’article 24 de la Loi fondamentale qui lui confie la suppléance du président de la République, absent du territoire national, pour convoquer et présider, le 25 novembre, un Conseil des ministres consacré au budget de l’État.

« Je ne réagirai pas », nous avait notamment confié dans une interview à Jeune Afrique dont j’étais le correspondant à Abidjan. Le Premier ministre, qui affichait alors une sérénité surprenante, n’avait, de toute évidence, pas été impressionné par l’initiative des députés bédéistes » : « Le fait que l’article 24 n’ait jamais été appliqué ne signifie pas qu’il n’existe pas.

L’alinéa 2 de cet article dit précisément. « le Premier ministre supplée le président de la République lorsque celui-ci est absent du territoire national ». C’est ce que nous avons fait, Je ne vois vraiment pas où est le problème ! »

Le chef du gouvernement, qui s’était entouré d’éminents juristes, avait précisé qu’avec le retour du chef de l’État c’était le premier alinéa de l’article 24 qui s’appliquait. Cet article stipulait : « Le président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs au Premier ministre chef du gouvernement, » Alassane Ouattara refusait de « se laisser divertir par l’agitation t0Ut à fait stérile de certains politiciens Il avait clairement laissé entendre qu’en accord avec le président de la République, depuis le mois d’août 1993, il avait décidé de « rester jusqu’à la fin ». Il estimait qu’il ne pouvait pas quitter ses responsabilités, le chef de l’État l’ayant investi de toute sa confiance.



Juriste de formation et homme du sérail, Camille Alliali s’est exprimé sur le bien-fondé des critiques adressées au chef du gouvernement et a rendu compte de cette ambiance parfaitement ubuesque où l’on voyait un Premier ministre attaqué et vilipendé non pas par l’opposition mais par les élus de sa propre majorité : « Comme stipulé dans la Constitution, le Premier ministre devait assurer l’intérim du président de la République. Depuis 1960, Auguste Denise, ministre d’État, était chargé de cette responsabilité qui consistait à gérer les affaires courantes à l’exclusion de toutes tes celles soumises à délibération du Conseil des ministres. Mais l’intérim assuré par le Premier ministre au cours de ce deuxième semestre 1993 se présentait différemment. L’action gouvernementale exigeait que des décisions soient prises sur des dossiers urgents qui relevaient de la compétence du Conseil des ministres.



En l’absence du Président, le Premier ministre faisait examiner les affaires urgentes en Conseil de gouvernement et se rendait ensuite Paris avec des propositions adoptées pour en délibérer avec le président de la République, À son retour à Abidjan, il rendait publiques les décisions approuvées et signées par le Président qui tenaient lieu de décisions prises en Conseil des ministres. Cette manière était-elle conforme l’esprit sinon à la lettre de la Constitution ? Pour qu’il y ait Conseil des ministres, il eût fallu que tous les ministres se déplacent å Paris pour siéger autour du chef de l’État, éventualité qui ne pouvait être sérieusement envisagée, ou qu’une délégation expresse soit donnée par le Président au Premier ministre pour présider le Conseil en ses lieu et place.

On aurait pu comprendre que, dans cette circonstance particulière, les critiques de la procédure suivie par le gouvernement soient le fait de l’opposition.

Mais qu’un groupe de militants PDCI dont émane ce même gouvernement lui réserve les protestations les plus vives ne pouvait s’expliquer que par la poursuite de la guerre de succession à laquelle l’arbitrage intervenu un mois plus tôt n’avait pas mis fin. Les critiques se sont intensifiées à partir de la mi-juin après l’opération chirurgicale subie par le président de la République . »

En fait, depuis qu’il a accueilli le chef de l’État mourant, Alassane se rend presque tous les deux jours à Yamoussoukro, où Bédié, délaissant la session budgétaire de l’Assemblée nationale, avait quasiment pris ses quartiers. Il est très régulièrement tenu informé de l’évolution de l’état de santé du Président par le Pr Maurice Guikahué, au chevet du « Vieux » depuis son séjour à Genève.



L’atmosphère est surréaliste dans la capitale politique, où le retour du Président avait visiblement entraîné un regain d’animation tout en faisant grimper d’un cran l’inquiétude la tension. Le père de la nation est bien là. Tout proche mais plus inaccessible que jamais. La porte de sa chambre reste hermétiquement fermée et ne s’ouvre que pour laisser le passage à de rares familiers, dont Ouattara, qui fait d’incessants allers et retours entre Abidjan et Yamoussoukro.

Depuis le retour du Président, débarqué presque clandestinement dans son cher « village », Yamoussoukro ne dort plus. L’hôtel « Le Président » qui était presque l’abandon retrouve son ambiance des grands jours.

Le ballet incessant des voitures officielles et la présence presque incongrue de jeunes filles, manifestement venues monnayer leurs charmes, donnent quelque animation à une ville rongée par l’angoisse. La population observe tout ce remue-ménage avec un certain agacement. Beaucoup ont le sentiment que les visites de tous ces dignitaires faisant ainsi ostensiblement le « pèlerinage » de « Yakro », sans pour autant voir le Président, isolé par ses proches dans sa résidence, avaient quelque chose d’indécent.

Tout ce que la Côte d’Ivoire compte de hauts responsables ou cadres fait le déplacement dans la capitale politique. On se perd en supputations. Combien de semaines, combien de jours ?

Jean Konan Banny, ancien ministre de la Défense du « Vieux » pendant près d’une décennie, député-maire de Yamoussoukro et neveu d’Houphouët, est devenu, à ce titre, incontournable. Il assure la liaison entre le gouvernement, la classe politique et la famille. Il affirme à qui veut l’entendre que le Président, qu’il dit voir régulièrement, est certes « très fatigué » mais qu’il demeure lucide. Le bruit court même, avec une insistance suspecte, que le chef de l’État, une fois requinqué par les soins intensifs que lui prodigue sa famille, va, dans les jours à venir, prendre d’importantes décisions engageant l’avenir immédiat du pays.

Les proches du « Vieux » s’inquiètent de la tournure que commencent à prendre les évènements. « Nous voulons la paix sociale.

Dans le dialogue et la tolérance, comme nous l’a enseigné le chef de l’État », répète inlassablement Jean Konan Banny. Il est urgent de calmer le jeu », dit, pour sa part, Yves N’dia Koffi, le jovial et débonnaire député-maire de Bouaflé. Même Mamie Faitai, la sœur aînée d’Houphouët, qui dirige, avec une énergie incroyable pour une quasi-centenaire, les affaires du clan », n’arrête pas de prodiguer des conseils de modération aux nombreux visiteurs qui se bousculent dans son salon où elle est constamment assistée par Dominique Ouattara, l’épouse du Premier ministre.



Le peuple ivoirien allait bientôt être fixé sur son sort. Et cela, par la seule grâce d’un vieillard qui, après avoir marqué de son empreinte la Côte d’Ivoire un demi-siècle durant, était en train de livrer son dernier combat avec une obstination qui forçait l’admiration et le respect. Certains affirmaient même qu’il était cliniquement mort mais maintenu artificiellement en vie.



Le 2 décembre, le Premier ministre, qui n’avait évidemment pas tenu compte de la lettre ouverte des amis du président de l’Assemblée nationale, réunit un conseil de gouvernement devant statuer sur la conduite à tenir en cas de décès du chef de l’État. Mais des réticences se manifestent immédiatement de la part des ministres appartenant à l’ethnie baoulé dont notamment Léon Konan Koffi.

Le ministre de la Défense, qui visiblement affiche une nervosité à fleur de peau, fait observer que, selon la tradition akan, la disparition d’un chef ne doit, en aucun cas, être évoquée alors qu’il lui reste un souffle de vie. Le Premier ministre réfute ces arguments en invoquant, pour sa part, les valeurs républicaines et la nécessité pour un Etat moderne de ne pas laisser le vide s’installer dans la perspective de la disparition, pour le moins inéluctable, du président de la République. Pour lui, ces valeurs priment sur toute autre considération d’ordre ethnique et culturel. 

À l’issue de la réunion qui dure plus de quatre heures, la décision est prise, après consultation de juristes conseillers du gouvernement, de saisir directement la Cour suprême, conformément à l’article 11 de la Constitution en cas de vacance du pouvoir, en clair : si le Président venait à décéder

Alassane et Bédié : les prémices d’un long conflit



Dans le camp du président de l’Assemblée nationale probablement alerté dès la fin du conseil par Kouassi Yao, le secrétaire général adjoint du gouvernement, on faisait une tout autre lecture de la notion de vacance du pouvoir.

 Aussi Bédié, qui avait manifestement déjà planifié son arrivée aux affaires, invite-t-il Ouattara å une rencontre pour échanger sur la question. À cet effet, un rendez-vous est organisé le 4 décembre au soir, au domicile du grand chancelier Germain Coffi Gadeau. Le président de l’Assemblée n’y va pas par quatre chemins : il remet, d’emblée, un communiqué de presse au chef du gouvernement qu’il lui propose de signer conjointement. Dans ce texte, il s’agit non seulement de rassurer les populations mais également de constater l’incapacité totale du président de la République et de proclamer l’instauration de l’intérim qui, selon l’article 11 de la Constitution, sera naturellement assuré par le président du Parlement. 

Fidèle à l’engagement pris au chevet du président Houphouët, à Genève, de faire en sorte qu’il n’y ait pas « deux Présidents » et donc de ne pas promulguer la vacance du pouvoir tant que le Président n’est pas déclaré officiellement mort, le Premier ministre refuse, bien entendu, la proposition de Bédié, qui en conçut beaucoup d’amertume et de rancœur. Une autre rencontre est programmée pour le 7 décembre. Mais elle n’aura jamais lieu.



Dans les jours qui suivent la rencontre Bédié-Alassane, les intrigues politiciennes reprennent de plus belle. La classe politique ivoirienne ressemble à une véritable ruche en pleine activité ou à une meute sur le point de s’entredéchirer pour un pouvoir à portée de main. 

La lagune Ebrié bruit des rumeurs les plus folles dont certaines prêtent l’intention au chef du gouvernement de faire un coup de force, et à Bédié, activement soutenu par l’ambassadeur de France à Abidjan, Michel Dupuch, de vouloir, si besoin en était, prendre d’autorité ce qu’il estimait lui revenir de droit !

Au sein du PDCI, l’ambiance n’était donc pas à la sérénité et les avis étaient partagés. Surtout dans la baronnie. Bon nombre de dignitaires du vieux parti s’étaient rangés, sans le moindre problème, du côté du président de l’Assemblée nationale, comme Laurent Dona Fologo, le secrétaire général, et exigeaient, purement et simplement, l’application de l’article 11.



D’autres, en revanche, et non des moindres comme Philippe Grégoire Yacé et, dans une certaine mesure, Jean-Konan Banny, qui ne vouaient qu’une affection très modérée à Bédié dont ils doutaient certainement des qualités d’homme d’État, prônaient plutôt une transition apaisée » qui permettrait au peuple ivoirien, le moment venu, de choisir, à la faveur d’une élection libre et transparente, celui qui allait conduire la destinée du pays. 

C’est ainsi que circula d’ailleurs l’idée d’instaurer un Conseil d’État qui achèverait le mandat présidentiel et préparerait les prochaines élections. Le Premier ministre, qui n’était pas contre cette formule, avait, pour sa part, imaginé la formation d’une équipe rassemblant Bédié comme Président tel que la Constitution l’exigeait, Yacé, président du parti, et lui-même continuant à diriger le gouvernement jusqu’à ce qu’on lui trouve un successeur. Qui, dans son esprit, ne pouvait être que Daniel Kablan Duncan.

Du côté de l’opposition, incarnée par le FPI de Laurent Gbagbo, l’« opposant historique », qui demeurait le premier et unique homme politique à avoir affronté « le Vieux », à l’occasion de la présidentielle d’octobre 1990, il n’était pas question d’une application automatique de l’article 11. Elle militait plutôt pour l’établissement d’un gouvernement d’union nationale chargé de conduire le pays jusqu’à la tenue d’un « scrutin libre, transparent et ouvert à tous » afin de permettre au peuple d’exercer sa souveraineté « pleine et entière ». 


C’est dans ce contexte de guerre des clans larvée où chacun semblait fourbir ses armes pour la conquête d’un pouvoir qui allait, sous peu, être vacant, que le Premier ministre, qui s’attelait par ailleurs à la préparation de la dévaluation du franc CFA devenue inéluctable, s’adresse, au nom du chef de l’État souffrant, a la nation, le 6 décembre, a 20 heures, sur les ondes de la RTI, à la veille de la célébration du trente_ troisième anniversaire de la proclamation de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.

Ce fut pour lui un exercice Particulièrement difficile car c’était la première fois depuis plus d’un tiers de siècle que le président de la République devait renoncer à une tradition bien établie.

L’émotion qui étreint le chef du gouvernement l’amène faire un discours presque prémonitoire. Il invite en effet ses compatriotes à faire de cette journée du 7 décembre une journée de recueillement et de prières. Le Premier ministre s’efforce d’éclairer les Ivoiriens sur la situation économique et financière du pays tout en délivrant un message d’espoir à l’endroit de tout un peuple qui faisait preuve d’une grande dignité et d’une certaine retenue, malgré les difficultés du moment.

Des difficultés qui restaient suspendues à la conclusion des négociations d’un nouveau programme appuyé par les institutions de Bretton Woods.

Le 7 au matin, précisément à 6 h 35, le Premier ministre, qui se préparait à attaquer sa journée, reçoit un coup de fil. C’est un appel du médecin traitant du Président. Il l’informe du décès du « Vieux » survenu deux minutes plus tôt.



Ouattara appelle immédiatement les responsables de la sécurité d’État. Le ministre de la Défense Léon Konan Koffi et le général Tanny sont les premiers à se présenter à sa résidence. Suit le chef d’état-major le général Robert Guéï. Il leur apprend la triste nouvelle et leur communique les instructions à suivre pour que la prise d’armes prévue ce jour-là ait effectivement lieu.

Ensuite, le Premier ministre prend soin de téléphoner à l’ambassadeur de France et à celui des Etats-Unis d’Amérique qui, sans doute, avaient déjà été informés du décès du Président. Après quoi, il appelle Bédié, Yacé et Gadeau pour les inviter à le rencontrer au palais présidentiel à l’issue de la prise d’armes. II leur dit simplement qu’il souhaite les entretenir d’un sujet d’une grande importance.



Dans sa position de cadet et dans la plus pure tradition africaine, Alassane ne pouvait, en aucun cas, annoncer une nouvelle de cette importance, un décès, au téléphone, des doyens d’âge et de surcroît des présidents d’institution. Après la cérémonie qui s’est déroulée sur l’esplanade de la présidence de la République et qu’il a personnellement présidée, le Premier ministre retrouve donc les trois dignitaires. Il leur annonce une nouvelle dont ils étaient manifestement tous les trois informés, tout en s’excusant de n’avoir pu le faire au téléphone.

Il leur confie son souci d’examiner, avec eux, les modalités de l’organisation à venir des funérailles nationales en accord avec la famille et la conduite à tenir dans cette situation très particulière.

Ouattara les informe également de son intention d’aller, dans les heures à venir, à Yamoussoukro pour s’incliner sur la dépouille mortelle et les invite à faire le déplacement avec lui à bord du Grumman présidentiel. Yacé, qui à cette époque avait déjà de sérieux problèmes de santé, s’excuse de ne pouvoir accompagner Alassane mais lui suggère de parler à la famille en leur nom à tous

Gadeau, qui n’était pas non plus au mieux de sa forme, lui emboîte le pas et manifeste son regret de ne pouvoir faire le déplacement. Quant au président de l’Assemblée nationale, il décline purement et simplement l’offre et annonce qu’il fera lui-même le trajet par la route.

C’est dans le vol du retour que le Premier ministre rédige avec son directeur de cabinet Sidya Touré le texte du communiqué qu’il compte adresser à la nation pour l’informer du décès du chef de l’État. Dès son arrivée à Abidjan, accompagné de Daniel Kablan Duncan qui l’attendait à l’aéroport, il se rend directement dans les locaux de la RTI où il délivre son message à 13 h 30. Mais il n’y eut point d’effet de surprise car Radio France internationale avait déjà annoncé la nouvelle quelques minutes auparavant. »



Source : « Alassane Ouattara,La passion du devoir » de Moriba Magassouba (P110-P120)

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