Dialogue et marche en Côte-d’Ivoire (éditorial de Venance Konan)

Ce « dialogue national » devrait aborder les questions suivantes : élaboration d’une nouvelle Constitution, la mise en œuvre d’un véritable processus de réconciliation qui prendra en compte le retour des exilés et la libération de certains prisonniers, l’indemnisation des victimes et de leurs familles, la réforme de la Commission électorale indépendante, l’organisation des élections, « notamment présidentielles, transparentes, crédibles et inclusives », le rétablissement de la confiance entre les Ivoiriens, le retour de l’État de droit dans le respect des libertés fondamentales de tous les citoyens et de la loi, tout en assurant le maintien de l’ordre sans bavures.

Avant « ce dialogue national », le chef de file de l’opposition demande la libération immédiate et sans conditions de toutes les personnes encore incarcérées suite aux actes de violence qui ont ponctué le scrutin présidentiel du 31 octobre, ainsi que la cessation de toutes les poursuites judiciaires à leur encontre.

Ce que Monsieur Bédié propose n’est ni plus ni moins une conférence nationale souveraine comme on en a vu dans plusieurs pays africains dans les années quatre-vingt-dix et dont l’objectif principal était de faire tomber les régimes en place afin de mettre en place une transition (tiens donc !), et la poursuite de l’impunité.

Rappelons que l’opposition avait lancé un mot d’ordre de désobéissance civile et de boycott actif lors de l’élection présidentielle du 31 octobre. Cela s’est traduit par des affrontements intercommunautaires, des assassinats, des destructions de biens publics et privés, l’incendie de nombreux véhicules, notamment des bus de la Société des transports abidjanais (Sotra), des gbaka et des taxis.

Dans son adresse, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) a cité un jeune homme de Daoukro qui a été décapité. Souhaite-t-il que l’on arrête de rechercher son assassin, ainsi que ceux qui ont tué d’autres jeunes gens à Daoukro et dans plusieurs autres localités du pays ? Je crois que l’une des principales plaies de notre pays est la culture de l’impunité qui s’y est installée depuis l’instauration du multipartisme en 1990. Chaque fois que la violence s’invite dans la politique, on tire un trait dessus et l’on continue notre chemin, sans sanctionner, et sans remarquer qu’à chaque fois nous montons d’un cran dans la barbarie. Dans cette crise que nous venons de traverser, des personnes ont été égorgées, décapitées, brûlées vives, fusillées. Devrions-nous encore une fois passer tout cela par pertes et profits ? Pour arriver à la « nation fraternelle, démocratique et prospère qui rayonne en Afrique et dans le monde » qu’appelle de ses vœux Monsieur Bédié, nous devons rechercher, traquer, arrêter et juger les auteurs et commanditaires des crimes commis avant, pendant et après le scrutin du 31 octobre. Nous devons savoir qui a fourni des armes à des jeunes gens dans certaines régions du Grand Centre et qui les a entraînés à s’en servir. Nous devons cette fois-ci frapper fort pour que cette culture de l’impunité cesse dans notre pays.

Pour ce qui est de la conférence nationale que M. Bédié appelle implicitement à organiser, avec à la clé l’élaboration d’une nouvelle Constitution et l’organisation de nouvelles élections, je voudrais rappeler qu’il avait appelé à voter la Constitution actuelle en 2016, dont il a profité de la disposition qui levait la limite d’âge pour être candidat à la présidence.

Qu’est-ce qui justifierait que l’on en rédige une nouvelle maintenant ? Et pourquoi organiser de nouvelles élections, notamment présidentielles ? Toutes les instances nationales et internationales chargées de valider l’élection du 31 octobre l’ont déjà fait. L’investiture du Président élu aura lieu dans quelques jours. Veut-on tenter de l’empêcher ?

Apparemment, le Conseil national de transition n’ayant pas marché, l’on cherche par le biais d’une conférence nationale déguisée en dialogue national, à revenir dans le jeu et peut-être reprendre la main.

Pour conclure, l’opposition invite à « une grande marche » dont la date sera fixée dans les jours à venir. Rappelons encore une fois que c’est sous le couvert de la désobéissance civile et du boycott actif que des jeunes gens ont été armés et ont commis tous les crimes que nous avons vus. Que cache cette « grande marche » ? Quel coup fourré nous prépare encore notre opposition ? Celui qui a été piqué par un serpent se méfie du ver de terre, dit-on.

Je doute que notre opposition ait renoncé à son rêve de faire partir M. Ouattara par tous les moyens. M. Bédié dit clairement que pour lui, M. Ouattara « n’est pas légitimement le Président de la République de Côte d’Ivoire ». Dès lors, dans l’esprit de notre opposition, ce « pouvoir illégitime » devrait être combattu par tous les moyens. Une grande vigilance s’impose donc.

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