Salaires faibles après l’école du barreau, le côté précaire de la robe

«Les jeunes avocats sont tout sauf des nantis»: après l’école du barreau, le côté précaire de la robe

Faibles salaires, horaires élastiques, pression des associés… Un quart des jeunes avocats renoncent à la profession après moins de dix ans d’exercice.

Par Soazig Le Nevé

« Va-t-elle me payer ? Vais-je avoir une remarque ? » Anaïs de la Pallière se souvient de ce vendredi où elle était entrée, la peur au ventre, dans le bureau de sa patronne, une avocate chevronnée du barreau de Paris. La jeune collaboratrice, qui avait prévu de partir en congés ce jour-là, sentait que l’accueil allait être glacial. Elle ne s’était pas trompée. « Pour rattraper mon absence de quinze jours, ma boss avait gardé un stock de tâches à me donner à 18 heures », raconte Anaïs de la Pallière. Lorsqu’elle lui demande sa rétrocession d’honoraires, celle-ci se met à hurler. « “Votre chèque ? Je ne sais pas où il est !” Bien sûr, ma boss savait pertinemment qu’il était dans le parapheur de la comptable, mais elle prévoyait de me le remettre vers 22 heures », relate la jeune avocate, qui a consigné ses souvenirs de début de carrière dans un ouvrage intitulé La Face cachée de la robe (Michalon, 2019).

Rude concurrence

Quand un salarié touche son dû par virement bancaire, un avocat, lui, reçoit chaque mois des mains de son patron un chèque correspondant à une rétrocession de ses honoraires, montant brut duquel il devra retirer entre 45 % et 50 % pour provisionner lui-même ses charges sociales et payer ses impôts (Urssaf, cotisation à l’ordre, prévoyance, mutuelle, impôt sur le revenu, etc.). En outre, la réforme des retraites prévoit de doubler le taux de cotisation pour les avocats dont les revenus sont inférieurs à 41 000 euros par an, tout en abaissant le niveau de la pension plancher, qui passera de 1 480 euros à 1 000 euros. Un affront pour la profession, qui s’oppose à la réforme par de multiples mouvements de grève depuis le mois de janvier.

e les choses soient très claires : les jeunes avocats sont tout sauf des nantis », cadre Carole Painblanc, membre de l’Union des jeunes avocats (UJA). Celui qui est généralement perçu dans l’opinion comme un notable travaille souvent 70 heures par semaine pour un salaire parfois à peine plus élevé que le smic, après sept ou huit ans d’études.

Après l’école du barreau, la concurrence est rude pour se faire une place, notamment dans la capitale, qui voit arriver plus de 2 000 nouveaux diplômés chaque année. Pour 100 000 habitants, on compte 240 avocats à Paris, contre 30 en Picardie et une moyenne nationale de 90. Le nombre d’avocats avoisinait les 70 000 fin 2019, selon le Conseil national des barreaux, soit un tiers de plus qu’il y a dix ans.

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