Contribution: Du CFA à l’Eco Cedeao monnaie unique, un cheminement chaotique

C’est volontairement que nous ferons abstraction de la période avant 1959, date à partir de laquelle est née notre monnaie actuelle, passant successivement de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) le 12 mai 1962, puis évoluant, avec l’avènement des indépendances des pays membres, vers notre nouvelle institution l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA) en 1994, donnant naissance au franc CFA monnaie commune des huit états telle que nous la connaissons encore aujourd’hui.

Il apparaît néanmoins important de souligner qu’à l’exception de la Côte d’Ivoire qui est un pays en développement, les sept autres États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, sont désignés comme des pays moins avancés (PMA).

Ce bref rappel suffit à nous amener à nous intéresser à la volonté des africains d’adopter une nouvelle monnaie, malgré leur hétérogénéité et les négociations au sujet de cette monnaie commune en cours depuis une trentaine d’années.

L’ECO est le nom du projet monnaie unique retenu par les quinze pays de la CEDEAO.

Sa mise en place était initialement prévue au sein de la CEDEAO pour décembre 2009, avec une introduction effective reportée dans un premier temps à janvier 2015, puis ensuite au troisième trimestre 2020. Finalement, elle a été repoussée sine die, en remplacement du franc CFA (UEMOA) des huit États membres. L’élargissement à la zone économique ouest africaine projetée et toujours en cours de discussion au sein des instances de l’Union Africaine (UA) trace les modalités pratiques d’un grand marché unique africain (la ZLECAF).

Les Couacs de la réforme :

Monnaie libératrice, noble qui souffre de l’égo de certains chefs d’Etat voulant s’approprier individuellement la paternité d’un projet commun.

Le 21 décembre 2019, à Abidjan, Macron (président français) et Ouattara (président ivoirien) actent de manière unilatérale, l’hypothèse de la disparition du franc CFA (UEMOA), au profit de l’ECO UEMOA à date effective du 1er juillet 2020.

Cette décision s’accompagnerait de deux changements :

– la suppression du compte d’opération au Trésor Français,

– la suppression des sièges occupés par les représentants français au sein des instances de la BCEAO,

– Le maintien de la parité entre l’ECO et l’EURO.

Au regard de ces « arrangements », nous dirons que ce projet monétaire semble être un problème français (Trésor Français). On assiste à une OPA de la France sur l’ECO CEDEAO, manifestant ainsi la volonté de court-circuiter ce beau projet africain.

Nous ne sommes d’ailleurs pas surpris, tout en nous ralliant, par les réactions des intellectuels africains réclamant l’ouverture d’un débat « populaire et inclusif » sur la réforme en cours. C’est à juste titre qu’ils rappellent que la question de la monnaie est éminemment politique, allant bien au-delà d’une simple préoccupation technique.

L’insistance de la France qui ne veut pas déroger à l’agenda de Ouagadougou, qui donne la ligne directrice, montre bien l’emprise qu’elle veut continuer d’exercer sur ses ex-colonies. Le Parlement français et le Sénat très actifs ont pour leur part adopté des lois et dressé des bilans d’étape du projet de réforme monétaire qui nous appartient. Notons que le 10 décembre 2020, bien avant nous, la France a ratifié l’accord de coopération monétaire avec l’UEMOA qui doit permettre la mise en œuvre formelle de l’ECO.

A ce sujet, nous citerons l’ancien ministre des Finances et ex-directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn qui a relevé les incongruités et les incompréhensions sur le fonctionnement réel de cette monnaie et la nature des relations entre la France et les pays africains.

L’Union économique et monétaire Ouest Africain (UEMOA) qui regroupe les huit Etats se fixait pour objectif de créer un pôle économique puissant et prospère (CEDEAO). La création de l’ECO apparaissant comme l’instrument indispensable de ce grand marché, qui avant de prendre forme, est déjà source de tensions entre pays de la zone franc (UEMOA) et la Zone Monétaire Ouest-Africaine (ZMOA créée en 2000, regroupant les sept autres pays de l’Afrique de l’Ouest disposant de leur propre monnaie (le Nigéria, le Ghana, le Libéria, la Sierre Léone, la Gambie et la Guinée Conakry). La rivalité entre Abidjan (Côte d’Ivoire) et Abuja (Nigéria) en est devenue réelle, au risque de contrarier la poursuite du projet. Le non-respect des critères de convergence et l’impact économique de la pandémie du Covid-19 pouvant aussi avoir raison de l’agenda défini.

La zone UEMOA sous la houlette de Ouattara a fait le choix d’adopter l’ECO en remplacement du franc CFA, avant les autres États membres de la CEDEAO. Ce qui bien évidemment a pu heurter ses partenaires. Il est pour le moins légitime et respectueux qu’une union s’appuie sur des orientations et décisions collégiales.

Une monnaie qui aurait soutenu la ZLECAF

Notre Zone de Libre Echange Continentale Africaine, représente la plus grande zone de libre-échange au monde avec 1,2 milliard de personnes et un PIB de 2500 milliards USD.

Au 1er janvier 2021, 34 pays sont en voie de soumettre leur instrument de ratification à la commission de l’Union Africaine (UA).

L’Eco a pour objectif de simplifier le commerce et de réduire les coûts de transaction. Ainsi, dans sa première étape ; les paiements entre les 385 millions d’habitants de la CEDEAO devraient être facilités grâce à cette monnaie unique. Puis progressivement s’étendre au reste du continent totalisant 1,2 milliard d’habitants.

Pour nous donner les chances d’une pleine réussite, nous nous devons d’exhorter nos chefs d’Etat africains aux préalables d’une vraie politique monétaire :

La politique monétaire est une réelle nécessité pour le développement de notre continent (notamment des pays les moins avancés que renferme l’Afrique de l’Ouest). Le besoin de financement de chacun de ces Etats demeurant énorme et l’objectif de la convergence économique étant complexe pour bon nombre d’entre eux, le chemin risque d’être encore long et parsemé d’embuches. Gardons à l’esprit que l’échec précède la réussite. Aussi, nous nous devons de nourrir l’espoir de satisfaire notre objectif de monnaie unique, à la condition que l’UEMOA présente un « plan de divorce » d’avec le Trésor français. Ce qu’elle n’a pas encore fait et qui représenterait un symbole politique fort.

Lacisse Abdou

Prof d’économie et gestion

Académie de Lyon, France

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