Revenus décents, covid-19…la Côte-d’Ivoire de Ouattara face à l’impasse de l’économie du cacao

L’économie cacaoyère dans l’impasse

La Côte d’Ivoire a réussi à lever 850 millions d’euros (1,03 milliard USD) avec succès ;e lundi 8 février sur les marchés de capitaux. Si cette levée permet au pays de réduire les risques de refinancement sur les eurobonds déjà sur le marché en rallongeant la maturité de la dette, il ne serait pas exagéré de dire que l’économie ivoirienne soulève toutefois des inquiétudes eu égard à la situation inquiétante de la filière cacao couplées aux restrictions économiques dues au covid-19 dans le monde entier.

En effet, l’or brun qui représente près de 15% du PIB de la Côte d’Ivoire, est en difficulté. Cette chute pourrait avoir des effets significatifs sur l’économie. Car le cacao, c’est près de 12 à 15% des recettes fiscales du pays. Or, la mévente de ce produit s’accentue avec les arrêts des économies des pays traditionnellement acheteurs, surtout européens.

Si rien n’est entrepris, la Côte d’Ivoire, pourtant premier producteur mondial, continuera de percevoir des gains dérisoire (5 à 7%) sur le marché international. Surtout que certains industriels contournent le Différentiel de revenu décent (400 US/tonnes) en s’approvisionnant directement sur les marchés boursiers.

L’américain Hershey a récemment acheté plus de 250 000 tonnes de fèves sur l’International Exchange Futures (ICE) de la Bourse de New York.

Aussi, depuis des mois, des tonnes de fèves sont encore stockées chez les coopératives, qui n’ont pas encore pu régler les factures de l’achat du cacao auprès des producteurs, fixé à 1000 fcfa le kilo cette année. Alors que nombreux parmi eux ont des charges familiales, l’alimentation, la scolarité des nouveaux bacheliers inscrits dans les grandes écoles privées, etc. Cette situation qui pouvait trouver une solution se dégrade au regard du comportement adopté par les multinationales. Ces grands acheteurs de la grande partie de la production éprouvent encore de la réticence quant au respect du Différentiel de revenu décent (Drd).

Face à une pénurie d’espace d’entreposage qui s’accentue, des producteurs liquident leurs fèves entre 800-850 Fcfa/kg, en deçà du prix minimum fixé à 1000 Fcfa/kg lancé lors de la campagne de commercialisation. Certains producteurs, qui résistent et espèrent réussir à vendre aux normes Drd, reçoivent régulièrement la visite des pisteurs qui leur proposent parfois même 750Fcfa/kg, expliquent des coopératives de la zone de Man située dans le centre du pays.

C’est aussi le cas de M. Kouassi, planteur dans la région de la Nawa, qui observe depuis quelques jours une mévente de sa production. « Profitant de cette galère, des personnes viennent nous voir pour nous demander de réduire le tonne afin qu’ils puissent racheter la production ». A l’instar de M. Kouassi, plusieurs producteurs soutiennent en être victimes.

Selon un rapport de la Banque mondiale, 54,9 % des producteurs de cacao ivoiriens et leurs familles vivent en dessous du seuil de pauvreté, malgré les efforts du gouvernement ivoirien visant à garantir un prix acceptable. La spéculation du cacao pour cette année 2021 risque encore d’accentuer cette pauvreté des producteurs.

En tournée dans des zones de production, le président de l’Association des Producteurs et organisations professionnelles agricoles de Côte d’Ivoire (Apropaci), Obed Blondé Doua, met cette mévente du produit sous le coup de la Covid-19, notamment le confinement qui contraint les industriels à réaménager leur fonctionnement tel le cas du confiseur Hershey. « Les consommateurs de chocolat sont en confinement. Les usines de production de chocolat ne tournent plus à plein régime. Du coup, ils ne sont pas en mesure d’évacuer leurs stocks. Tout est bloqué en Europe, aux Etats-Unis et en Asie », s’exprimait-il dans les colonnes d’un organe en ligne local. Mais, le covid semble être utilisée pour faire fléchir les résolutions de « l’Initiative cacao Côte d’Ivoire- Ghana », déroulée par les deux grands producteurs, qui affichaient pourtant à mi-parcours une satisfaction du respect du prix plancher et du Drd. Dans cette dynamique, les négociants et transformateurs locaux attendent jouer leur partition pour le développement de la filière.

(…)

«Dès lors qu’un transformateur ivoirien essaie de vendre les produits semi-finis que son usine produit, il n’a pas la possibilité de vendre directement aux chocolatiers Nestlé, Mars, Ferrero, Lindt, Mondelez, Valrhona, etc., qui sont les utilisateurs finaux, pour ainsi dire les vrais clients dans notre industrie. Il ne peut vendre qu’à ses six concurrents installés en Côte d’Ivoire que sont les multinationales Olam, Cargill, Barry C, Sucden, Touton, Ecom », martelait un membre du groupement des négociants ivoiriens.

Avec FinancialAfrik/Issouf Kamgate

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