«Il faut surveiller ADO» en Côte d’Ivoire

Fernand Dédeh

Le 27 novembre 2020, levée de corps de Augustin Sidy Diallo a Ivosep. Hamed Bakayoko, premier ministre, frère et ami du défunt lui rend un vibrant et émouvant hommage. Il était loin de penser que cinq mois plus tard, ce serait son tour. Hambak, repose depuis ce samedi 13 mars dans l’un des casiers réfrigérés de Ivosep. Seul, face à son Dieu. Loin des charognards, des hypocrites, des rats qui attendent de quitter le bateau. La vie et la mort. Deux faces de la même médaille. Autant l’on est, en rien sûr de naître, autant il a la certitude de mourir. Mais rarement, nous vivons en pensant à la mort. L’Homme rejette ou repousse toujours l’idée de mourir. Dans nos coutumes, les questions tournant autour de la mort sont tabous ou presque.

Air suffocant à l’aéroport

Hamed Bakayoko est couché à Ivosep. En attendant l’hommage de la nation, le mercredi 17 mars 2021 et le transfert du corps à Séguéla, sa ville natale. L’inhumation est prévue le vendredi 19 mars dans la capitale de la région du Worodougou. Terrible d’y penser. Certains refusent d’y croire.

Le corps sans vie de celui que l’on va déjà appeler l’ex-premier ministre de la Côte d’Ivoire est arrivé ce samedi 13 mars 2021 à Abidjan. En milieu d’après-midi. Aéroport Felix Houphouët Boigny de Port-Bouët. L’ambiance est lourde. Les pas sont lourds. Les images terrifiantes. Bouleversantes. Voir la dernière fille de l’Etoile d’Etat, dans les bras de sa mère, Yolande, le regard hagard, scruter le vide, regarder sans voir, a de quoi traumatiser le cœur le plus impassible. Voir Yolande Bakayoko, percluse de douleur mais stoïque, sans moyens de changer le cours des choses, fend la raison.

« Il faut surveiller ADO »

Ton camarade, ah, ton camarade! Il est visiblement dévasté. Anéanti. « Il faut surveiller Alassane Ouattara », ne cesse de répéter une amie. Le choc est violent. « Depuis l’annonce du décès de Hamed Bakayoko, il a du mal à s’alimenter. ». Il en a vues, des vertes et des pas mûres. La mort de Amadou Gon Coulibaly l’avait brisé. Celle de Hamed Bakayoko le laisse sans voix. Sans jus. Son épouse, Dominique aussi. Elle le sait totalement fragilisé. Elle le console en lui tenant la main. Le chef de l’Etat, a du mal à relever la tête et regarder cette caisse recouverte du drapeau national. Il avait tout imaginé. Mais pas perdre deux premiers ministres dans l’intervalle de neuf mois. Pas que. Il a aussi perdu un ministre de l’Administration du territoire, un Conseiller diplomatique…

Tunnel des questions sans réponses

En 2009, j’avais vu l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, craquer lors de l’hommage aux victimes de la bousculade du stade Felix Houphouet-Boigny. Les masques de protection contre la Covid19 n’existaient pas encore. Ce samedi 13 mars 2021, Alassane Ouattara s’est retrouvé dans le tunnel des questions sans réponses. Les yeux mouillés des larmes de détresse. Celui qui étreint la veuve ou lui tient la main, n’est pas le président de la République. C’est le père. Il perd, au delà du collaborateur, un fils qui s’est entièrement dévoué pour lui, prêt à tout pour lui.

Images tétanisantes

D’autres images encore tétanisantes. Ces jeunes gens qui ont jalonné le parcours jusqu’à Ivosep. Les uns applaudissent au passage du cortège funèbre pour saluer un des leurs fauchés par la mort, les autres fondent en larmes. Les plus incrédules continuent de croire en une blague. « Hambak, Hambak », crient-ils comme pour lui dire: « Nous sommes là, le vieux ». Des frayeurs aussi, avec les plus émotifs qui ont perdu connaissance.

La vie de l’homme: elle tient en trois tableaux: naissance, recherche du bonheur, parfois de la gloire et la mort. Hamed Bakayoko a accompli sa mission sur terre. Les croyants disent: Dieu l’aime plus que les hommes. ». Il retourne au père. L’onde de choc qui parcourt la société dans son ensemble depuis l’annonce de son décès, montre qu’il n’a sûrement pas vécu inutile. Il a apporté sa pierre à l’édifice « Côte d’Ivoire ». Les Africains, en règle générale, s’inclinent devant la mort. Ils apportent compassion à la famille du disparu, pardonnent les offenses et prient pour le repos de son âme. Le reste, Dieu s’en charge.

Aimons-nous vivants

La mort réconcilie. Le dialogue politique qu’il a conduit avec succès, avait justement pour objectif de rapprocher les Ivoiriens. Puisse sa mort servir de levain à la réconciliation des Ivoiriens, à l’apaisement des cœurs. Les temps sont sombres. Les vagues impétueuses. Aimons-nous vivants. Sortons des défenses en ligne.

Avec lebanco.net

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