«M. le président, on ne joue pas avec l’argent des militaires»

En avril 2011, lorsque Hamed Bakayoko est nommé à la tête du ministère de
l’intérieur surtout avec le statut de ministre d’état, beaucoup d’ivoiriens s’étaient
interrogés sur sa capacité à tenir ce portefeuille vital pour la survie du régime. Avec
le temps, les mauvaises langues ont fini par vite déchanter.

Après la crise postélectorale qui défigura le pays et déstructura les assises
sécuritaires, la mission de Hamed Bakayoko fut donc de haute portée. Mais très
rapidement, le système sécuritaire se métamorphosa. La réhabilitation des
commissariats de police pillés et incendiés, lors de la bataille de la prise d’Abidjan, se
mit rapidement en place avec les moyens financiers de l’Etat, appuyés par des
volontés patriotiques. Très rapidement, le système sécuritaire se remis à l’endroit
avec la mise en état des infrastructures, la libération des commissariats de police et
des brigades de gendarmerie.

Ensuite, s’en suivra une uniformisation de la tenue des policiers pour freiner les intentions malveillantes. Cependant, le plus grand chantier fut de réussir la stabilisation d’un pays marqué par la fracture sociale.

Conscient de ce grand enjeu sécuritaire et perçu comme un défi personnel, Hamed
Bakayoko s’entoura d’hommes rompus à la matière. Des administrateurs comme
Vincent Toh Bi Irié, Bamba Cheick Daniel et des hommes de l’ombre vont l’épauler
dans la lourde tâche.

Mais, l’homme n’est pas un « attentiste », c’est un fonceur qui
aime relever les défis. Hamed Bakayoko fut un pilier stratégique dans le système
sécuritaire du pouvoir. Après avoir fait ses preuves à la sécurité, le président
Alassane Ouattara, lui confia le portefeuille de la défense. Il atterrit à ce poste dans
un contexte post-mutineries. Le pays y compris le chef de l’Etat lui-même vécurent
difficilement ces deux crises militaires. Il en était sorti effarouché. Les grognes des

militaires avaient fortement perturbé le climat social et fragilisé quelque peu le régime
d’Abidjan. Des mutations profondes s’imposaient donc. Hamed Bakayoko fut nommé
à la tête de la défense en remplacement d’Alain Richard Donwahi, le 30 juillet 2020.
Les mauvaises langues ne le voyaient pas y demeurer longtemps comme ce fut le
cas le soir de sa nomination au ministère de l’intérieur. Hamed Bakayoko n’était pas
diplômé en sciences politiques de Paris, en études de défense ou de l’école militaire
de Saint Cyr Coetquidan. « C’est un fêtard », dit-on ! La liste des accusations contre
sa personne était longue.

Mais, c’est un homme pragmatique axé sur les résultats objectifs. Comme il savait si
bien le faire, il va s’entourer d’hommes rompus à la chose comme le colonel Touré
Sori, son directeur de cabinet militaire, un officier du génie, ancien polytechnicien de
Paris, une tête pleine. Avec son attitude de fonceur et son caractère sociable,
« l’étoile d’état » brisa le mythe de méfiance entre la ‘’soldatesque’’ et la haute
hiérarchie militaire avec des séances de footing, et des opérations de dons de sang.
Privilégiant le contact. Il s’attaqua aussi aux problèmes dans les casernes. Les
difficultés furent traitées avec célérité et pragmatisme. Les cuisines de Korhogo, de
Bouaké, d’Akouédo furent entièrement réhabilitées et équipées. Les différents états-
majors reçurent du matériel de combat et des tenues. Les soldes des militaires sont
depuis régulièrement versées et sans difficulté. La loi de programmation militaire
adoptée en 2016 connaitra une application significative.

Hamed semblait avoir cerné la mentalité du soldat : « M. le président, il ne faut pas jouer avec l’argent des
militaires », c’est en ces termes qu’il s’adressa au chef de l’Etat Alassane Ouattara,
lors de la célébration des quatre-vingts ans d’existence de l’école militaire
préparatoire et technique de Bingerville, le 22 mars 2019 en présence des chefs des
grands commandements.

Namidja Touré
Spécialiste des questions militaires

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