Côte d’Ivoire / Nouveau gouvernement : Patrick Achi, un homme du milieu à la Primature

Dans un contexte que le journaliste Ferro Baly qualifie de psychose mortuaire (marqué par les décès successifs de deux premiers ministres en fonction et la mauvaise santé de présidents d’institution), le choix a été porté sur Patrick Achi, pour conduire les destinées du nouveau gouvernement à venir. En d’autres temps on louerait sa bravoure et son courage d’avoir accepté un poste que beaucoup ont fini par ne plus convoiter en Côte d’Ivoire, ces derniers mois. Mais ça, c’est pour les choses de la superstition.

Passée la bourrasque, la Côte d’Ivoire regarde à nouveau vers son avenir, dans un climat politique quasi apaisé, rythmé quand même par les révélations à n’en point finir de l’avatar Chris Yapi, véritable serpent de mer des réseaux sociaux, star malgré lui. En portant son choix sur un homme d’expérience et un vétéran de la haute administration ivoirienne, Ouattara ne fait pas que s’assurer une tranquillité quant au traitement diligent de certains dossiers tant son nouvel homme de la maison blanche du Plateau  est un féru des grands dossiers de la République, un homme fin, un homme apaisant qui rassure. Il s’assure aussi une baisse de la température dans son propre camp miné par les querelles de positionnement. Il est au moins sûr d’une chose, Patrick Achi n’est pas un homme ambitieux. Ou bien s’il l’est, il n’a pas encore démontré sa déloyauté vis-à-vis de celui qu’il a choisi dans la bataille des éléphants Bédié et Ouattara.

Patrick Achi est d’abord un homme conciliant, un homme apaisant, un homme de mesure qui sait à la fois captiver son auditoire et parler aux consciences. On se souvient de son discours au cours d’un conseil politique du Rhdp qui a suscité un silence de cimetière à la salle des congrès de Sofitel Hôtel Ivoire quand il louait le courage d’Alassane Ouattara qui venait de traverser tant d’épreuves dans sa volonté de se succéder à lui-même. On était au lendemain de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, marquée par la perte du premier ministre Gon Coulibaly.

Patrick Achi est également un homme du milieu bien qu’issu d’une région, le pays Akyé, situé au sud-est de la Côte d’Ivoire et traditionnellement opposant à la droite au pouvoir. L’homme est conciliant et a su tisser, sans animosité de solides relations avec les dirigeants de la Côte d’Ivoire de ces 30 dernières années. Il fit ses premiers pas au sein d’un gouvernement à l’avènement de Laurent quand celui-ci, au nom de la paix décida d’ouvrir dès 2001, son gouvernement à son opposition, le Pdci et le Rdr. Patrick Achi avait fourbi ses armes au Pdci dans l’ombre de Henri Konan Bédié qui le proposa alors à Laurent Gbagbo. Il venait ainsi de lui ouvrir le sésame qui allait l’emmener dans les arcanes du pouvoir. Voici 20 ans en moyenne qu’il n’a plus quitté le gouvernement mêlant choix de raison et choix opportuniste à chaque rendez-vous de l’histoire. En 2011, membre de la coalition Rhdp, c’est sans coup férir qu’il rejoint Bédié et Ouattara au Golf Hôtel alors qu’il était considéré comme le chouchou de Laurent Gbagbo qui a même fait de lui le porte-parole de son gouvernement. Les Ivoiriens s’étaient habitués à sa voix à l’accent espagnol qui roule le R. Autre rendez-vous, 2018. Bédié et son allié d’alors Alassane Ouattara ne parlaient plus le même langage et les cadres Pdci au gouvernement avaient le choix entre partir et rester. Patrick Achi fait le choix de Ouattara sans toutefois verser dans l’excès pour narguer Bédié comme l’a fait un certain Adjoumani Kobénan.

Achi peut-il réussir ?

Presqu’au sommet de sa gloire, l’ancien ministre des infrastructures économiques a ses propres cartes entre ses mains. Il n’est point un arriviste et connaît les codes de la maison Ouattara. Entre se consacrer  à ses charges de premier ministre, chef du gouvernement et se faire passer pour la tour de contrôle, il y aura certainement des limites qu’il doit s’imposer. C’est à ce prix qu’il aura la tranquillité voulue dans un marigot Rhdp où les crocodiles ne se font plus de cadeau. Il a pour lui l’expérience Amadou Gon et l’éphémère règne d’Hamed Bakayoko comme indicateurs pour se frayer un chemin vers cet horizon d’incertitudes qui voit poindre 2025 et son flot d’ambitieux.

SD à Abidjan

sdebailly@yahoo.fr

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