Yako, Monsieur le Président ! (un éditorial de Venance Konan)

Lorsque Amadou Gon Coulibaly et Hamed Bakayoko vivaient, ils étaient nombreux les Ivoiriens qui les voyaient comme les deux enfants chéris du Président de la République, ses successeurs potentiels. Les deux hommes avaient été parmi les premiers collaborateurs du Président de la République lorsqu’il fut nommé Premier ministre de la Côte d’Ivoire par le Président Houphouët-Boigny, en 1990.

Amadou Gon Coulibaly fut l’un des premiers à intégrer le cabinet du nouveau Premier ministre en tant que conseiller technique, tandis que Hamed Bakayoko dirigeait le journal « Le Patriote » qui soutenait l’action du gouvernement et ferraillait contre les opposants. Les deux hommes sont restés aux côtés d’Alassane Ouattara tout au long de son combat pour accéder au poste de Président de la République. Les deux hommes ont fait la prison en raison de leur engagement politique aux côtés de leur mentor.

Devenu Président de la République, c’est tout logiquement qu’Alassane Ouattara a nommé ces deux fidèles parmi les plus fidèles à des postes clés. Amadou Gon Coulibaly est devenu ministre d’État, secrétaire général de la Présidence, et Hamed Bakayoko, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité. Le premier est devenu par la suite Premier ministre, tandis que le second prenait les commandes de la Défense, au moment où des mutineries à répétition commençaient à gangrener notre armée.

Lorsque le Président a décidé de ne plus briguer un troisième mandat, le choix fut porté sur Amadou Gon Coulibaly pour assurer son héritage politique. Lorsque la mort emporta ce dernier, Hamed Bakayoko monta en grade et devint Premier ministre. Ils furent nombreux, les Ivoiriens qui le virent comme le futur successeur d’Alassane Ouattara. Parce que Hamed Bakayoko était très populaire, il avait réussi toutes les missions que le Chef de l’État lui avait confiées, ce qui témoignait d’un sens politique très aigu, et parce qu’il était l’un des hommes de confiance du Président de la République. Oui, la notion de confiance est très importante dans la transmission du pouvoir au sein de la même famille politique.

Hamed est tombé à son tour, les armes à la main. Et nous le pleurons ce jour. Comme nous pleurions Amadou Gon Coulibaly il y a quelques mois. Toute la Côte d’Ivoire te pleure, Hamed ! Toute la Côte d’Ivoire te rendra l’hommage que tu mérites, ce matin au Palais de la présidence et ensuite au stade Alassane Ouattara d’Ebimpé. Tes amis artistes, ces artistes que tu as tant aimés, seront là pour t’accompagner vers cet orient éternel avec leurs plus belles mélopées.

Cruel sort que celui qui vous est fait, Monsieur le Président, vous qui perdez un autre fils. A vous aussi, je citerai ces quelques vers tirés du célèbre poème « Si » du Britannique Rudyard Kipling : « Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie, et sans dire un seul mot te remettre à rebâtir, ou perdre en un seul coup le gain de cent parties, sans un geste et sans un soupir… » Monsieur le Président, vous êtes la boussole de millions de vos concitoyens. C’est votre force qui leur donne la leur. C’est votre capacité à résister aux pires épreuves de la vie qui donne sens à leur vie et les maintient debout. Vous venez de perdre deux hommes qui vous étaient très chers, qui nous étaient aussi très chers. Mais vous avez des millions d’autres enfants autour de vous qui vous disent « courage, Monsieur le Président, tenez bon ! » Tenez bon parce que des forces obscures rôdent, guettant le moindre signe de faiblesse de votre part pour fondre sur le pays. Tenez bon pour tout ce peuple en pleurs et dont vous êtes le seul soutien.

Tenons tous bon devant ces épreuves, devant ce sort qui semble s’acharner contre nous. Ce sont les grandes épreuves qui forgent les grands peuples. Séchons nos larmes. Hamed fut un grand homme. Pas seulement pour notre pays, mais pour toute l’Afrique. C’est pour cela qu’il fut chanté de Paris à Kinshasa, et qu’aujourd’hui il est pleuré sur tout le continent.

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