Assimi Goïta et la tyrannie des mots

J’espère que tout le monde apprécie la générosité du nouveau président de Transition, le colonel Assimi Goïta, lorsqu’il déclare céder les 2/3 de ces fonds de souveraineté pour des œuvres socio-sanitaires. Cette partie du discours qu’il a prononcé à l’occasion de son investiture a pris le pas sur d’autres aspects de la vie nationale sur lesquels il est pourtant très attendu.

A l’annonce de cette mesure, c’est déjà la jubilation populaire. Le colonel Goïta, très sobre dans ses discours, manifestation d’une grande timidité que lui reconnaissent ses vieux amis qui le côtoient depuis tout petit, au Prytanée militaire, est un dur à cuire qui ne lâche rien s’il s’engage à faire quelque chose, rappellent-ils. Il agit, mais il parle peu, martèlent-ils. Certainement aussi parce qu’il a très peur de se tromper ou de ne jamais dire ce qu’il ne va pas faire. Dans l’un comme l’autre des cas, il n’échappe pas à la tyrannie des mots.

Un mal positif, qui se présente finalement sous une qualité qui l’empêche de tenir des déclarations à tous vents, mais s’exprime seulement quand c’est nécessaire et utilise peu de mots. Des mots justes, mesurés, pesés et soupesés, très loin de ces mots qui causent des maux ou les aggravent s’ils existaient déjà.

En si peu de temps, Assimi Goïta a non seulement appris à se mettre dans le costume de chef d’Etat, mais a aussi tiré de forts enseignements sur l’échec de son prédécesseur qui a commencé par des discours forts, très populistes, aux allures va-t-en-guerre, pour mériter certes un tonnerre d’applaudissement, mais pour finir comme la foudre s’écrasant au large d’un océan. Il faut toujours éviter de démarrer une course en trombe pour la finir en tortue. Avec Bah N’Daw, rien ne bougeait plus au Mali et les frustrations des populations s’accumulaient. Ce qui a ouvert un boulevard à Assimi Goïta pour le remplacer. Effectivement, à part des politiciens et juristes qui ont fait des condamnations et récriminations de principe, le peuple, au contraire, a applaudi pour tourner rapidement la page Bah N’Daw.

Ceux qui sont avisés souriaient tout simplement devant le discours d’investiture très prudent et mesuré rendu par le colonel Assimi Goïta. Pas de promesses osées, pas de populisme, mais simplement du réalisme pour panser, pendant un certain temps, les maux par des mots. Calmer les esprits, refroidir les velléités de protestation, un exercice hautement réussi.

En réalité, on ne donne pas souvent assez d’importance aux mots. Pourtant, c’est par eux que se perpétuent les attitudes figées, les gestes automatiques, les pensées toutes faites, les sentiments stéréotypés. Ils sont les maillons de la chaine sociale. Mais une chaîne emprisonne, aussi bien qu’elle nuit. Alors, attention quand on parle !

On ne doute donc pas que le colonel Assimi Goïta soit bien encadré et surtout bien conseillé pour ne pas être victime de la tyrannie des mots, au vu de ses discours prononcés devant toutes les composantes des forces vives de la nation, après avoir déposé Bah N’Daw. En peu de mots, bien choisis, il a su rassurer et se faire adopter pour obtenir l’onction de soutien populaire tant recherché, pour espérer ainsi tenir, sans obstacle, les rênes du pouvoir. Mais les mots suffiront-ils pour guérir les multiples maux dont souffre le Mali à l’heure actuelle ? Le meilleur jugement, c’est celui qui se fait sur les actes. Et, ne dit-on pas que l’Histoire est le meilleur juge !

Amadou Bamba NIANG

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