En France le chef d’état-major des armées, le général Lecointre quitte ses fonctions

Le général français François Lecointre, chef d’état-major des armées, quittera ses fonctions le 12 juillet. Le général Thierry Burkhard, actuel chef d’état-major de l’armée de terre, doit prendre sa suite, a annoncé l’Elysée, dimanche 13 juin. C’est lui qui devra mettre en œuvre la fin de l’opération « Barkhane », annoncée le 10 juin.

Par Elise Vincent

C’était un départ attendu, planifié, mais dont l’officialisation, dimanche 13 juin, surprendra les non-avertis. Le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, plus haut responsable militaire français, a décidé d’annoncer, à l’occasion du « Grand Jury RTL, LCI-Le Figaro », qu’il quitterait ses fonctions le 21 juillet. Une annonce qui intervient quatre jours seulement après une autre décision, tout aussi importante pour les armées : la fin de l’opération « Barkhane », déployée au Sahel depuis 2014.

« J’ai souhaité partir, c’est mon souhait », a ainsi déclaré le général Lecointre, alors que l’Elysée avait officialisé quelques minutes plus tôt son départ. Interrogé sur l’existence d’éventuelles dissensions entre lui et le président Emmanuel Macron, le général Lecointre a tenu à démentir : « Le président m’a dit qu’il souhaitait que nous continuions à travailler ensemble, car nous avons une même compréhension du rôle des armées (…) et je lui ai dit que je souhaitais réellement partir (…), notamment pour éviter une politisation de la fonction de chef d’état-major des armées. »

Se dissocier du calendrier politique

Dans l’absolu, l’actuel chef d’état-major des armées françaises aurait pu être maintenu à son poste jusqu’à la fin de la campagne présidentielle, au printemps 2022. Il est toutefois rare que le rythme de renouvellement des chefs d’état-major suive exactement celui des chefs de l’Etat. Le général Lecointre n’était de toute façon pas désireux de poursuivre face à une période qui s’annonce particulièrement chahutée politiquement. Il ne souhaitait pas non plus « qu’un chef d’état-major des armées, qui est un chef militaire, soit associé à un politique (…). Il est bon que les deux calendriers soient dissociés afin d’éviter que l’on croit qu’un chef d’état-major est choisi pour ses opinions politiques », a-t-il précisé.

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Le général Lecointre quitte son poste de chef d’état-major des armées

Le général Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de Terre lui succédera au poste de CEMA.

Par Nicolas Barotte/lefigaro.fr

La rumeur circulait depuis longtemps. Les jours du général Lecointre en tant que chef d’état-major des armées étaient comptés. L’annonce est désormais officielle. Le CEMA a confirmé dimanche au Grand jury RTL le Figaro LCI son intention, en accord avec le président de la République Emmanuel Macron, de quitter son poste « après le 14 juillet ». L’annonce intervient quelques jours après la décision d’Emmanuel Macron d’en finir avec l’opération Barkhane et de transformer le dispositif français au Sahel.

Le successeur du général Lecointre aura la lourde tâche d’accompagner ce retrait progressif au goût amer d’échec. Si le « surge » de 2020 a permis de remporter des succès tactiques et de réduire la menace djihadiste au Mali, il n’a pas été suivi d’un sursaut politique capable de répondre au désordre structurel de la région. Le général Lecointre s’apprête à quitter ses fonctions sans avoir réussi à faire basculer la partie. Il n’y aura jamais de victoire militaire décisive au Mali, avait-il coutume de dire avec fatalisme.

Le général Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de Terre lui succédera au poste de CEMA. Le chef d’état-major des armées commande toutes les opérations militaires de la France et veille au bon fonctionnement de l’institution. Le général Lecointre aurait pu être encore maintenu à son poste. Il ne le souhaitait même si le président lui « a demandé de rester plus longtemps ».

Soucieux de la place des Armées au sein de la société française et de son lien avec la nation, le général Lecointre a avancé un argument pour obtenir l’accord du chef de l’État : la nomination du Cema ne doit pas coïncider avec l’élection présidentielle pour « éviter la politisation de la fonction ». « Les deux calendriers doivent être dissociés. Il faut éviter d’imaginer qu’un CEMA est choisi pour ses opinions politiques. Un « tuilage » permet une continuité des activités. Il est bon que mon successeur puisse assurer la continuité ou une rupture de continuité si le président [élu] choisi de nouvelles orientations », a-t-il expliqué. Alors que l’hypothèse d’une victoire de Marine Le Pen en 2022 ne peut pas être exclue, la décision du général Lecointre résonne particulièrement.

«La neutralité politique des armées est presque sacrée», déclare le chef d’état-major des armées

Dans une période de tension politique pré-électorale, les armées craignent les effets d’amalgames. Au sein de l’institution, tout débat politique est tabou au nom du devoir de réserve auquel les militaires sont astreints. Sociologiquement les armées penchent à droite. Les textes publiés par Valeurs actuelles, en brisant le silence, ont suscité un malaise. Dans deux tribunes, signées par d’anciens généraux puis des militaires anonymes, les signataires dénonçaient le délitement de la France et critiquaient leur hiérarchie. Elles ne correspondent pas à une position majoritaire des militaires. Elles ont choqué en interne. Dans un parallèle historique significatif, le Général Lecointre a raconté avoir été « scandalisé », en tant que jeune officier, par la tribune signée par des généraux en 1988. Ces militaires de haut rang –bien plus que ceux de 2021 – avaient appelé à voter Jacques Chirac contre François Mitterrand. « C’était contraire au fonctionnement de la vie démocratique », estime le général Lecointre.

Relations complexes
Le CEMA a mal vécu les mises en cause personnelles contre lui au printemps dernier. L’affaire a entaché la fin de son mandat et ses relations avec le président. Entre le chef de l’État, chef des armées, et le chef d’état-major des armées, les relations sont complexes et requièrent une entente parfaite. Entre Emmanuel Macron et le général de Villiers, le prédécesseur du général Lecointre, la confiance a été rapidement rompue. Non pas à cause d’un différend budgétaire : certes en 2017 le budget des armées a été réduit de quelque 700 millions d’euros mais le président s’était engagé à augmenter les crédits les années suivantes. Le Général de Villiers était par ailleurs rompu à ce type de négociations. Mais un commentaire agacé du général ayant fuité dans la presse a provoqué une réplique cinglante d’Emmanuel Macron. « Je suis votre chef », a-t-il lancé le 13 juillet 2017 devant un parterre d’officiers dont le général de Villiers. Humilié, celui-ci a démissionné. Le général Lecointre a été nommé à la tête des armées dans ce contexte très particulier. « Je n’ai pas été nommé pour retisser les liens entre la nation et les armées », a précisé le général Lecointre.

Intellectuel, héros de la bataille de Vrbanja en Bosnie en mai 1995, où le jeune capitaine s’est battu à la baïonnette pour reprendre le pont aux forces serbes et défendre l’honneur de la France, le général Lecointre aura passé 4 ans à accompagner la « remontée en puissance des armées ». Avec une loi de programmation militaire de 295 milliards d’euros entre 2019 et 2025, l’effort est censé permettre de « rattraper » les coupes imposées par les années de crise, de disette ou d’économie.

Pour autant, les désaccords ont persisté entre les armées et l’Élysée. Les moyens militaires demeurent limités comparés aux menaces décrites dans la Revue stratégique. Le général Lecointre ne cesse d’agiter le spectre du retour d’un conflit de « haute intensité » face à un adversaire aux moyens aussi performants que ceux de la France. « La loi de programmation militaire actuelle aujourd’hui vise à consolider ce modèle d’armée complet », confiait-il récemment. Avec ce modèle « complet », les armées conservent, parfois a minima, toutes les compétences. « Elle ne vise pas une montée en puissance ou l’acquisition d’une masse qui permettrait à l’armée de s’engager dans un conflit étatique majeur », ajoutait-il.

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