Afrique: Des progrès dans le respect des droits des élèves enceintes

Cinq pays d’Afrique sub-saharienne ont rejoint les rangs de ceux qui agissent en faveur du droit des filles à l’éducation, mais des obstacles demeurent

NAIROBI, Kenya, le 30 Septembre 2021,-/African Media Agency (AMA)/- Des pays africains ont pris, ces dernières années, des mesures importantes en vue de protéger le droit à l’éducation des élèves enceintes et des mères adolescentes, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Depuis 2019, au moins cinq pays d’Afrique subsaharienne – le Mozambique, le Zimbabwe, la Sierra Leone, l’Ouganda et São Tomé et Príncipe – ont abandonné des politiques restrictives ou discriminatoires ou adopté des lois ou des politiques qui permettent aux élèves enceintes et aux mères adolescentes de poursuivre leur scolarité dans certaines conditions.

« Davantage de gouvernements africains prennent des mesures plus vigoureuses pour respecter le droit des filles à une éducation », a déclaré Elin Martinez, chercheuse senior auprès de la division Droits des enfants de Human Rights Watch. « Mais de nombreuses filles se heurtent toujours à d’énormes obstacles imposés par leur gouvernement, qui ont pour effet de leur dénier le droit à l’éducation et obligent les écoles à leur fermer leurs portes au moment où elles ont le plus besoin de soutien.»

La pandémie de Covid-19 a provoqué une augmentation des grossesses parmi les adolescentes dans de nombreux pays d’Afrique, selon des informations recueillies par les Nations Unies, les médias et les organisations de la société civile. Cette hausse peut être imputée aux longues périodes de fermeture des écoles – tous les pays africains ont fermé leurs établissements scolaires en 2020 – et au manque de moyens pour assurer un enseignement à distance lors de la pandémie, à l’absence d’un environnement protectif et à la perte d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive.

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© 2021 John Emerson / Human Rights Watch

Au moins 30 pays membres de l’Union africaine (UA) sont désormais dotés de lois, de politiques ou de stratégies visant à protéger le droit à l’éducation des écolières et étudiantes enceintes et des mères adolescentes. La Sierra Leone a inversé sa politique en 2020, en supprimant une règle discriminatoire qui interdisait aux filles enceintes et aux mères adolescentes de fréquenter l’école et en adoptant une politique d’éducation plus inclusive.

En mars 2021, la Sierra Leone a adopté une politique dite d’«Inclusion radicale», qui réaffirme le droit à l’éducation des filles enceintes et des mères adolescentes. Cette politique établit également que les filles peuvent continuer d’aller à l’école pendant leur grossesse et y retourner après leur accouchement quand elles sont prêtes, sans leur imposer de conditions contraignantes, de congés de maternité obligatoires ou de restrictions à leurs possibilités de  retour.

En mars 2020, São Tomé et Príncipe a invalidé un décret ministériel qui imposait aux écolières enceintes de n’assister qu’à des cours du soir après leur troisième mois de grossesse et jusqu’à la fin de celle-ci. Cette décision était liée à l’octroi d’un don de 15 millions de dollars financé en majorité par la Banque mondiale, pour aider le pays dans sa stratégie visant à améliorer l’éducation de qualité et accélérer l’éducation des filles.

En décembre 2020, l’Ouganda a révisé ses directives sur la prévention et la gestion des grossesses en milieu scolaire. La nouvelle politique affirme le droit à l’éducation des écolières enceintes ou mères, quoiqu’elle impose encore de nombreuses conditions concernant leur inscription. Elle oblige les écoles à donner la priorité à la réadmission des filles devenues mères et prévoit l’octroi de réparations aux enfants et aux parents quand les écoles publiques refusent de les admettre. Elle fournit également aux écoles des directives pour combattre l’ostracisme, la discrimination et les violences à l’encontre des élèves qui sont enceintes ou mères.

Cependant, cette nouvelle politique établit aussi une série de conditions strictes de « réadmission », exigeant notamment que les filles quittent l’établissement quand elles sont enceintes de trois mois et prennent un congé de maternité obligatoire de six mois. Human Rights Watch a précédemment constaté que certaines de ces conditions constituent un réel obstacle à la scolarité, particulièrement du fait que ces filles devront rester non scolarisées pendant une période allant jusqu’à un an. Cette politique repose sur l’imposition obligatoire de tests périodiques de grossesse visant à éviter ou à détecter les grossesses, en violation des droits des filles à la protection de leur vie privée, à l’égalité de traitement et à leur autonomie corporelle.

En 2019, le Zimbabwe a réformé sa Loi sur l’éducation pour y inclure une disposition qui interdit de renvoyer de leur école les élèves enceintes. La loi nouvelle fournit également une protection aux élèves contre toute discrimination basée sur leur situation matrimoniale, entre une vingtaine d’autres critères.

En décembre 2018, le Mozambique a annulé un décret national qui contraignait les élèves enceintes à n’assister qu’à des cours du soir. Le gouvernement n’a toutefois pas encore adopté de politique qui assure le droit de ces filles à rester inscrites à l’école ou qui prescrive comment les écoles doivent désormais gérer les élèves enceintes et les mères adolescentes.

Bien que le Kenya dispose de deux règles anciennes qui établissent les conditions nécessaires à la réadmission « inconditionnelle » à l’école d’une mère adolescente, le gouvernement a adopté en 2020 des directives nationales de réadmission pour les élèves qui se heurtent à des obstacles en matière d’éducation et cessent d’aller à l’école, notamment à cause d’une grossesse. Cette nouvelle politique clarifie le fait que les élèves enceintes ont le droit de continuer d’aller à l’école aussi longtemps que possible, et sont censées y retourner au moins six mois après leur accouchement, au début de l’année calendaire suivante.

Cependant, trois pays de l’UA continuent d’appliquer des politiques qui consistent à interdire aux filles enceintes et aux mères adolescentes d’aller à l’école. La Tanzanie conserve une interdiction officielle de fréquenter les écoles publiques pour les élèves enceintes et les mères adolescentes, qui a été renforcée sous la présidence de John Magufuli, aujourd’hui décédé.

Les filles enceintes se voient dénier arbitrairement le droit d’obtenir une éducation dans les écoles primaires et secondaires publiques. Les mères adolescentes ne peuvent poursuivre des études que dans le cadre de «Parcours éducatifs de substitution», un programme d’enseignement à grande échelle financé grâce à un prêt de 500 millions de dollars de la Banque mondiale. Ce prêt a suscité des inquiétudes en ce qui concerne l’engagement général de la Banque mondiale à mettre en œuvre son Cadre environnemental et social, qui garantit que les prêts de la banque ne puissent être utilisés pour aggraver ou perpétuer des discriminations, et que les fonds de la Banque mondiale ne servent pas à affecter négativement des catégories de population marginalisées.

La Banque mondiale devrait œuvrer avec les gouvernements pour faire évoluer les systèmes d’éducation vers l’accueil et l’inclusion dans les écoles publiques de toutes les filles, y compris de celles qui sont enceintes ou déjà mères. La Banque devrait user de son influence pour travailler avec les gouvernements africains à la suppression de politiques discriminatoires ou problématiques qui compromettent les chances de progrès pour tous les enfants en matière d’éducation, et encourager tous les gouvernements à adopter des politiques inclusives et respectueuses des droits, a déclaré Human Rights Watch.

Les gouvernements qui ont pris des mesures importantes et audacieuses pour supprimer de leurs législations et politiques les restrictions et les dispositions discriminatoires devraient aller un peu plus loin et adopter des mesures positives qui assurent pleinement le droit des filles à une éducation et qui obligent les écoles à inclure et à soutenir les élèves enceintes ou déjà mères, a ajouté Human Rights Watch. Tous les gouvernements devraient s’assurer que leurs systèmes d’enseignement ne soient pas discriminatoires et envisager des révisions de politiques afin de promouvoir le droit des filles à l’éducation, ainsi que leurs droits sexuels et reproductifs, notamment à un enseignement complet sur la sexualité.

« De nombreux pays africains font preuve de leadership en garantissant le droit de chaque fille à l’éducation », a affirmé Elin Martinez. « L’Union africaine devrait insister auprès de tous ses États membres pour qu’ils adoptent les mesures nécessaires afin d’assurer que tous les établissements scolaires et responsables gouvernementaux disposent de directives et d’exemples de bonnes pratiques sur la création d’écoles publiques inclusives où toutes les filles, y compris celles qui sont enceintes ou déjà mères, peuvent achever leurs cycles d’enseignement primaire et secondaire.»

Informations complémentaires

Grossesses précoces et fermetures d’écoles lors de la pandémie de Covid-19

Avant la pandémie, les pays d’Afrique sub-saharienne avaient déjà le taux de grossesses précoces le plus élevé du monde. La gestion de la pandémie de Covid-19 dans de nombreux pays africains a souvent conduit à de longues périodes de fermetures d’écoles, avec un manque généralisé de moyens pour étudier à distance, et un accès limité à des espaces sûrs pour les jeunes. Ces conditions ont exacerbé les violences sexuelles et sexistes et entravé de manière significative l’accès des enfants et des jeunes adultes à d’importants services de santé sexuelle et reproductivecontribuant potentiellement à la hausse des cas de grossesse précoce.

Les pays de l’est et du sud de l’Afrique ont enregistré des taux élevés de grossesses précoces. Une étude effectuée dans les pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (Southern African Development Community, SADC), pilotée par MIET Africa, une organisation régionale, fait apparaître que d’octobre 2020 à février 2021, six pays de la SADC – le Lesotho, Madagascar, le Malawi, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe – ont tous connu des taux élevés de mariages d’enfants, précoces et forcés, de grossesses précoces et d’interruptions de scolarité.

Les hausses des cas de grossesse précoce signalées étaient directement liées à la pauvreté conduisant à des actes sexuels transactionnels, au manque d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et à une augmentation des actes de violence sexuelle. Trois élèves sur cinq ayant fait l’objet de l’étude ont perdu, lors de la pandémie, l’accès à d’importants services de santé sexuelle et reproductive, notamment à des visites médicales, à des préservatifs et à d’autres moyens contraceptifs, ainsi qu’à des traitements anti-rétroviraux. Un jeune sur cinq ayant participé à l’étude connaissait au moins une fille enceinte ou une jeune mère de moins de 24 ans qui avait accouché lors des six mois précédents.

En Afrique du Sud, les taux de grossesses précoces ont augmenté dans tout le pays et dans la plupart des provinces, d’avril 2020 à mars 2021, par comparaison avec les années précédentes. Sept provinces sud-africaines sur neuf ont fait état de taux plus élevés d’accouchements parmi les filles et les jeunes femmes âgées de 10 à 19 ans, par rapport à l’année précédente, selon des données publiées par le Département de l’Éducation primaire. La province de Gauteng a enregistré plus de 23 000 grossesses de filles âgées de 10 à 19 ans, selon des données publiées par le Département de la Santé de la province.

Au Zimbabwe, un rapport parlementaire transmis au Sénat le 19 août mentionne que la fermeture prolongée des écoles en raison de la pandémie de Covid-19 a contribué à une « forte augmentation » des grossesses précoces. Le ministère des Affaires féminines, des Communautés et du Développement des petites et moyennes entreprises a indiqué qu’en janvier et février 2021, près de 5 000 élèves étaient enceintes et que plus de 1 770 d’entre elles ont été forcées de se marier.

Réformes récentes en Afrique

Sierra Leone

La Sierra Leone connaît l’un des taux de grossesses précoces les plus élevés d’Afrique, ce qui a de graves conséquences pour l’éducation des filles: en 2017, 30% des femmes âgées de 20 à 24 ans avaient accouché d’un enfant viable avant d’atteindre l’âge de 18 ans. Environ 20% des filles cessent leur scolarité à cause d’une grossesse et d’un mariage précoce, selon les statistiques du gouvernement.

En mars 2020, la Sierra Leone a annulé sa règle vieille de 10 ans qui interdisait de fréquenter l’école publique aux filles enceintes et aux adolescentes déjà mères, à la suite d’une décision prise contre le pays par la Cour de Justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO). La Sierra Leone était l’un des quatre pays d’Afrique où Human Rights Watch avait constaté qu’une politique était en vigueur interdisant aux filles enceintes de fréquenter les écoles publiques. En décembre 2019, la Cour a qualifié cette interdiction de discriminatoire et ordonné au gouvernement de l’abroger. La Cour a également estimé que le programme sierra-léonais d’enseignement de substitution pour les élèves enceintes, avec un nombre réduit de classes et de journées d’études, était lui aussi discriminatoire.

En mars 2021, le ministère sierra-léonais de l’Éducation primaire et secondaire a adopté une «Politique d’inclusion radicale dans les écoles», réaffirmant le droit à l’éducation des filles enceintes et des mères adolescentes et exposant les conditions nécessaires à leur « maintien » dans le système éducatif.

La nouvelle politique de la Sierra Leone protège le droit d’une fille de « rester scolarisée, dans sa classe actuelle, aussi longtemps qu’elle le souhaite avant son accouchement, et de retourner à l’école après l’accouchement ou la perte de l’enfant.» Elle affirme également que les filles ont un « droit d’absence de l’école protégé pendant un an après un accouchement ou une fausse couche », ce qui donne aux filles le choix de prendre un congé de maternité, plutôt que de leur en imposer un. La politique ajoute que les filles devraient recevoir un soutien afin de rattraper les cours qu’elles ont manqués et qu’elles ont le droit de passer les examens, tout en pouvant également retarder ces passages d’examens jusqu’à ce qu’elles se sentent aptes à les passer, physiquement et psychologiquement.

Dans le cadre de la stratégie du gouvernement pour éviter les grossesses précoces, la nouvelle politique contient l’engagement d’assurer que les programmes d’enseignement incluent « divers composants» d’une éducation exhaustive sur la sexualité, et de faciliter l’accès des adolescents à des services de santé sexuelle et reproductive.

Ouganda

Les grossesses et maternités précoces, ainsi que les mariages d’enfants, sont un important problème de santé et de société en Ouganda et constituent un gros obstacle à l’éducation des filles. Selon des données nationales et de l’ONU, 25% des filles et des femmes âgées de 15 à 19 ans ont commencé à avoir des enfants, 34% des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans et plus de 7% avant l’âge de 15 ans. Selon l’UNICEF, 25% des quelque 1,2 million de grossesses recensées chaque année en Ouganda concernent des adolescentes, et plus de 300 000 grossesses se terminent par des avortements pratiqués dans des conditions peu sûres.

Entre mars 2020 et juin 2021, l’UNICEF a signalé une hausse de 23% des grossesses parmi les filles et les femmes âgées de 10 à 24 ans qui sollicitaient des prestations de santé prénatale. De nombreuses filles quittent l’école définitivement une fois devenues mères, ce qui est imputable en partie à l’ostracisme dont elles sont victimes à l’école, au manque de soutien et d’aménagements pour les élèves qui sont mères et aux obstacles financiers. Les frais de scolarité et les autres coûts des écoles publiques constituent un obstacle important pour les familles ougandaises les plus pauvres et les plus vulnérables économiquement, dont la plupart se sont retrouvées plongées dans des difficultés financières en conséquence des restrictions dues au Covid-19, qui ont privé de travail de nombreux adultes.

En décembre 2020, le ministère ougandais de l’Éducation a publié ses «Directives révisées pour la prévention et la gestion des grossesses précoces en milieu scolaire », fournissant ainsi un cadre réglementaire pour clarifier le rôle des écoles.

Ces directives révisées comportent d’importantes réformes des politiques précédentes. Elles déclarent sans ambigüité que « toutes les écoles devraient faire une priorité de l’admission des jeunes filles devenues mères après leur grossesse, et que les parents ou tuteurs doivent signaler à l’officier de district chargé de l’éducation l’école qui a refusé d’admettre leur fille.» Cette disposition est essentielle pour que les autorités dans le domaine de l’éducation puissent s’assurer que toutes les écoles reconnaissent leur obligation de réadmettre les mères adolescentes et octroient des réparations aux enfants et aux parents lorsque des écoles publiques refusent de les réadmettre. Le gouvernement ougandais devrait promouvoir largement cet aspect de sa politique et diffuser de l’information au sujet de l’éducation des filles, par l’intermédiaire des communautés locales et par des campagnes nationales.

Aux termes de cette politique, une fois que les écoles ont reçu notification ou découvrent qu’une élève est enceinte, elles doivent s’assurer de son inscription dans un programme de conseil. Les professeurs principaux doivent prendre des mesures pour enquêter sur les allégations de violence sexuelle et les signaler. Les directives affirment également que l’ostracisme et la discrimination à l’encontre des filles enceintes ou des jeunes mères constituent une forme de violence psychologique et ordonnent aux écoles de s’y opposer dans la sphère scolaire. Elles stipulent que les écoles « doivent aider les mères adolescentes à accéder aux structures d’assistance communautaires pour qu’elles obtiennent des gardes d’enfants et un soutien économique.» Ces directives apportent également un degré de flexibilité pour permettre aux élèves qui sont en congé de maternité de passer les examens de fin d’année si elles le souhaitent, mais il est toujours obligatoire pour tous les élèves de passer les tests nationaux de qualification.

Bien que ces directives affirment le droit des filles à une éducation, elles contiennent néanmoins une série de conditions de « retour » strictes ou contraignantes qui, comme Human Rights Watch l’avait précédemment constaté, peuvent constituer un réel obstacle à la scolarité des filles. Par exemple, les directives exigent que les filles prennent un congé de maternité obligatoire quand elles sont enceintes d’au moins trois mois. Et elles ne peuvent être réadmises sans conditions que lorsque leur enfant est âgé d’au moins six mois. Ceci signifie que ces filles seront effectivement hors du système scolaire pendant au moins un an.

Cette politique confie aux parents la responsabilité de chercher à faire réadmettre leur fille. Les parents sont censés signer un accord avec l’école au sujet du retour de leur fille. Ceci se fonde sur la présomption que les parents sont dans une large mesure en faveur de la poursuite de l’éducation de leur fille, alors que dans la réalité, certaines familles sont susceptibles d’essayer d’empêcher leur fille de retourner à l’école, en particulier dans les cas de mariage précoce.

Les élèves masculins responsables de la grossesse d’une élève se verront également accorder un congé obligatoire lors de la grossesse, la directive soulignant que cela « peut servir de dissuasion et de leçon aux autres garçons.» Toutefois, contrairement aux filles, les garçons ne sont pas soumis à l’obligation de prendre un congé de paternité et seront en mesure de retourner à l’école après la naissance de l’enfant. Dans le cas d’un changement d’établissement, l’ancienne école est censée transmettre à la nouvelle les informations sur le statut de parent d’un élève, car cela peut se révéler « utile pour retrouver sa trace.»

Les données concernant la grossesse ou le statut de parent de tout élève devraient être traitées dans le respect de leur droit à la protection de leur vie privée, a déclaré Human Rights Watch. Elle devraient être partagées, sur une base confidentielle, dans les archives scolaires uniquement comme moyen de soutenir l’élève, pour lui fournir des conseils adéquats et un accès à divers services, et pour l’aider selon ses besoins personnels.

Les directives affirment que le but du gouvernement est d’empêcher les grossesses précoces grâce à une série de mesures, y compris des mesures qui posent problème comme le recours à des tests périodiques de grossesse dans les écoles, ainsi que le fait de tester toutes les élèves afin d’épargner une stigmatisation personnelle à une fille réputée enceinte ou sur laquelle courent des rumeurs de grossesse. Human Rights Watch a constaté que les tests de grossesse ne constituent pas un outil préventif. Ils sont stigmatisants pour de nombreuses filles, sont souvent effectués sans leur consentement et constituent une grave atteinte aux droits des filles à la protection de leur vie privée, à la dignité, à l’équité et à l’intégrité corporelle.

São Tomé et Príncipe

En 2019, 22% des jeunes femmes de São Tomé et Príncipe avaient eu un enfant avant l’âge de 18 ans, 5% étant même devenues mères avant l’âge de 15 ans, selon des données de l’UNICEF. Dans la période allant de 2005 à 2019, 35% des filles étaient mariées avant l’âge de 18 ans, selon le Fonds des Nations Unies pour la population.

Les grossesses précoces sont étroitement liées au phénomène généralisé de la violence sexuelle et sexiste, ainsi qu’à des pratiques abusives profondément enracinées comme l’exploitation sexuelle des filles par des hommes adultes, y compris des enseignants, en échange de bonnes notes, d’argent ou de dons en nature, en particulier au niveau de l’école secondaire.

En 2012, l’une des dernières années pour lesquelles des données sont disponibles, 86% des adolescentes enceintes ont quitté l’école au niveau du primaire ou du secondaire. Une étude nationale a montré que la grossesse était parmi les principales raisons pour lesquelles les filles quittaient l’école, ce qui contribue à des niveaux insuffisants – et donc inquiétants – de transition vers, et de rétention dans, l’enseignement secondaire.

En mars 2020, São Tomé et Príncipe a supprimé une restriction vieille de plus de 15 ans qui bloquait la voie d’une éducation secondaire à des milliers d’adolescentes. Les Règles disciplinaires de São Tomé et Príncipe pour l’éducation primaire, secondaire et professionnelle, datant de 2006, exigeaient, dans leur article 36, que les élèves enceintes quittent l’école au troisième mois de leur grossesse, et ne leur donnaient pour seule option que de s’inscrire aux cours du soir pour le reste de leur grossesse. Ces élèves pouvaient se réinscrire pour l’année scolaire suivante, à condition que leur âge soit dans les limites autorisées pour l’enseignement obligatoire. Les mêmes conditions étaient imposées aux garçons responsables de la grossesse d’une élève.

La ministre de l’Éducation, Julieta Rodrigues, a signé un décret ministériel ordonnant la suppression de l’article 36 des Règles disciplinaires. Le décret invoque la nécessité de se conformer aux accords passés dans le cadre du « Projet pour une émancipation des filles et une éducation de qualité pour tous », un don de 15 millions de dollars de la Banque mondiale et du Partenariat mondial pour l’éducation destiné à améliorer l’accès des filles à un enseignement secondaire de qualité.

Cependant, le gouvernement n’a pas encore engagé de processus afin d’adopter des mesures de nature à confirmer le droit des filles de rester scolarisées et de fournir des directives claires aux écoles concernant leur obligation d’admettre et de soutenir les élèves qui sont enceintes ou déjà mères.

Les documents descriptifs du projet de la Banque mondiale démontrent la capacité de la Banque d’user de son influence unique, et de celle d’autres bailleurs de fonds et partenaires de développement, pour négocier l’abrogation par São Tomé et Príncipe de sa pratique d’exclusion des élèves enceintes. Les documents indiquent que le projet

a aidé à obtenir un changement de législation qui permet aux filles enceintes de poursuivre une scolarité normale, ce dont elles étaient précédemment empêchées par les règlements en vigueur dans leurs écoles. Ce changement dans les règlements internes des écoles a été rendu possible grâce à la tenue, par la Banque mondiale et d’autres bailleurs de fonds, d’un dialogue vigoureux sur les politiques à suivre, impliquant du plaidoyer et des consultations des intervenants, lors de la préparation de ce projet.

La Banque mondiale a déclaré que :

Le changement apporté aux règlements internes des écoles fournit une excellente occasion non seulement de ramener les filles à l’école et de les y maintenir, mais aussi de faire démarrer des interventions qui conduiront à des changements de comportement à moyen et long terme.

Tanzanie

La Banque mondiale estime que 5 500 élèves enceintes cessent d’aller à l’école chaque année en Tanzanie, bien que de précédentes estimations indiquaient que le nombre d’élèves contraintes d’interrompre leur scolarité chaque année était plus près de 8 000.

En 2019 et 2020, la  Banque mondiale a approuvé un prêt de 500 millions de dollars au Programme d’amélioration de la qualité de l’enseignement secondaire de la Tanzanie, en dépit de la politique du gouvernement consistant à renvoyer des écoles les élèves enceintes et les mères adolescentes. En approuvant ce prêt à la Tanzanie, la Banque mondiale a en réalité apporté son appui à une interdiction discriminatoire, qui a pour effet de cimenter l’exclusion et la perte d’éducation de milliers de filles à travers le pays.

Après des pressions initiales de la part de la Banque mondiale, le gouvernement tanzanien a accepté d’autoriser les mères adolescentes à s’inscrire dans des Parcours éducatifs de substitution, un système parallèle d’enseignement dispensé dans des centres de développement populaires, des foyers d’éducation en milieu communautaire qui sont implantés pour dispenser un enseignement technique et vocationnel et une éducation de base accélérée destinée aux adultes. Ce type d’enseignement n’est pas gratuit et c’est actuellement le seul moyen pour les filles enceintes, les mères adolescentes et les élèves mariées de poursuivre leur scolarité, à moins de payer pour s’inscrire dans des écoles privées.

En mars, Leonard Akwilapo, le Secrétaire permanent du ministère de l’Éducation, des sciences et de la technologie, a annoncé que 54 centres de développement populaires commenceraient à admettre des filles enceintes et des mères adolescentes à partir de janvier 2022.

Les pratiques au sein de l’Union africaine

En 2018, Human Rights Watch a constaté qu’au moins 26 pays membres de l’Union africaine étaient dotés de lois, de politiques ou de stratégies visant à garantir le droit des filles de retourner à l’école après une grossesse. En 2021, au moins 30 pays de l’UA sont désormais dotés de telles lois, politiques ou stratégies qui protègent, à des degrés divers, le droit à l’éducation des élèves enceintes et des mères adolescentes.

Distribué par African Media Agency (AMA) pour Human Rights Watch.

Source : African Media Agency (AMA)

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