Les déguerpis du train urbain « métro » d’Abidjan s’estiment victimes d’injustices et de racket

Lebanco.net/Boubakar Barry

Sur l’emprise des travaux de construction du métro d’Abidjan, à Anyama, des habitations ont été démolies sans préavis ni dédommagements, assurent leurs propriétaires pourtant recensés depuis 2016. D’autres affirment être soumis à un racket avant d’encaisser leurs chèques. Face à ces griefs, les responsables du Comité de suivi et de Société ivoirienne de gestion du Patrimoine ferroviaire (SIPF) refusent de parler.

Deux mois après le l’opération de libération des emprises de la future voie du métro d’Abidjan, nous nous sommes rendus à Anyama derrière Rails, l’une des zones touchées par ces démolitions, pour faire l’état des lieux.

Jeudi 14 octobre 2021. Il est 10 heures lorsque nous arrivons à Anyama Derrière Rails. Il y règne un calme plat. Les populations vaquent paisiblement à leurs occupations. Toutes les maisons situées sur les emprises de la future voie du métro d’Abidjan, en face des rails, ont été rasées par les machines. On aperçoit un peu partout les gravats des bâtisses détruites. Certains habitants qui n’ont pas encore eu de toit pour se reloger sont toujours sur les lieux. Ils sont hébergés par des parents ou des voisins non impactés par l’opération. D’autres sont partis vers d’autres destinations.

« Jusqu’à présent, nous n’avons rien reçu »

Mme Traoré Mariatou

« La cour où j’habitais a été détruite. Actuellement, je vis chez un ami. J’attends d’être dédommagé pour me reloger. Mais, jusqu’à présent, nous n’avons rien reçu », indique N’Guessan Yacouba.

Comme lui, la vieille Traoré Mariatou a vu sa maison détruite par les bulldozers de la Mairie. « Le matin du 20 août 2021, des agents de la Mairie, accompagnés de la police et de la gendarmerie, sont arrivés. Ils nous ont demandé de sortir parce qu’ils étaient là pour démolir notre maison. Pendant qu’on s’activait à sortir nos bagages, les machines ont commencé la démolition. Nous avons eu juste le temps de prendre quelques affaires », relate-t-elle avec tristesse. Avant d’ajouter : « La situation est difficile. Je n’ai pas les moyens de me trouver un autre toit. Actuellement, ma famille et moi avons été hébergés par Mme Konan, l’une de mes voisines. Je souffre et cela me rend malade. Je demande au gouvernement de m’aider », implore vieille Traoré.

“ Nous devrions être dédommagés depuis 2016 ”

Diarra Hassan fait partie des nombreux propriétaires impactés par le projet de construction de la ligne 1 du métro d’Abidjan. « En principe, nous devrions être dédommagés depuis 2016, après notre recensement. Mais, cela n’a pas été respecté. Le 19 août 2021, nous avons subitement vu des bulldozers postés en face de nos habitations. Etonnés, nous nous sommes rendus à la Mairie d’Anyama. L’adjoint au Maire nous a rassurés, en nous disant que ces machines n’étaient pas là pour nous. Mais, à notre grande surprise, le lendemain 20 août, les machines ont commencé à détruire nos habitations », explique-t-il.

“La grande majorité des déguerpis n’a pas encore été dédommagée”

« Aujourd’hui, nombre de personnes sont sans toit. Certaines ont été hébergées par des parents ou amis. D’autres sont allées vers d’autres destinations. La grande majorité des déguerpis n’a pas encore été dédommagée. Tout ce que nous demandons, c’est de rentrer en possession de nos chèques », déclare M. Diarra. Il indique par ailleurs que certains agents chargés du dédommagement, soutirent de l’argent aux déguerpis, avant de traiter leurs dossiers pour l’obtention de leurs chèques. « Lorsque tu te rends à leur bureau à la mairie d’Abobo, ils te font croire que ton chèque n’est pas encore disponible. Ensuite, ils te proposent de leur donner la somme de 20 000 francs CFA pour qu’ils activent le traitement de ton dossier. Ou bien, ils t’appellent eux -mêmes au téléphone pour te faire cette proposition ».

« Notre maison ne faisait pas partie de celles qui devraient être démolies»

Outre ces cas, plusieurs autres personnes ont vu leurs maisons détruites alors qu’elles ne figuraient pas sur la liste des habitations à détruire. « Notre maison ne faisait pas partie de celles qui devraient être démolie. Mais, elle a été quanf même détruite. Je vis actuellement chez ma sœur avec mes enfants. En plus, nous n’avons toujours pas été recensés. Nous ne connaissons pas notre sort. Et nous ne savons quoi faire », révèle Koné Nafissatou. Mme Guirao Rose, qui a par contre reçu son chèque renchérit : « La maison de mon fils a été détruite. Il défile sans cesse à la Mairie d’Abobo. Mais il n’est toujours pas pris en compte ».

Mme Koné Nafissatou

Les responsables du Comité de suivi refusent de parler

Face aux plaintes des populations déguerpies d’Anyama Derrière Rails, nous avons maintes fois approché les responsables du Comité de suivi du plan d’Action de Réinstallation (CSPAR), structure en charge du dédommagement des victimes, pour avoir leurs points de vue sur ces différents griefs. Le président du CSPAR est M. Cissé Moustapha , par ailleurs Directeur général de la Société ivoirienne de Gestion du Patrimoine ferroviaire (SIPF), dont les bureaux sont situés au Cercle du Rail, à Abidjan Plateau.

Nous nous y sommes rendus, d’abord, le 21 octobre, ensuite le 28 octobre et t enfin le 3 novembre. Mais, à chaque fois, nous avons été poliment renvoyés, sous le prétexte qu’il fallait attendre. Attendre qui ? attendre quoi ? Nous ne l’avons jamais su.

Boubakar Barry

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