Guerre des tarifs dans le mobile money: Un effet dévastateur sur l’emploi des jeunes ?

Un gros bouleversement est en cours dans le secteur du mobile money en Côte d’Ivoire ( et dans certains pays de la sous-région ) depuis l’arrivée de l’opérateur Wave. Ce dernier facture à 1% les transferts. Les dépôts, retraits et règlement de facture sont gratuits. Les trois autres opérateurs déjà présents sur le marché ivoirien facturaient ces mêmes services entre 3 et 10%. Ils ont d’abord tenté de résister, puis se sont finalement alignés sur la tarification du nouveau venu.

Cette baisse saluée par tous, a tout de suite entraîné un effet collatéral, la baisse des marges des intermédiaires au niveau de toutes ces petites structures de mobile money que l’on trouve au coin des rues. Dans une première déclaration dans le mois d’Octobre, le bureau de leur coordination avait lancé un appel à l’Etat en vue de la baisse des charges fiscales qui pèsent sur leur secteur, au risque de voir 22 000 emplois disparaître, rien que dans la ville d’Abidjan. Les autorités n’ont pas encore réagi.

C’est dans ce contexte que le 28 Novembre dernier, un article de presse annonçait que l’opérateur Orange adoptait désormais la gratuité à la fois pour les dépôts et les retraits ( https://www.linfodrome.com/economie/72330-cote-d-ivoire-face-a-la-rude-concurrence-de-wave-orange-adopte-la-politique-de-la-gratuite ) . Si cela s’avérait exact, les trois autres opérateurs n’auront pas d’autres choix que de plus ou moins s’aligner sur cette nouvelle donne. A terme cela signifierait désormais des marges quasi nulles pour les intermédiaires dans les transactions de mobile money. Certes les consommateurs « gagnent », mais avec des marges qui seront en deçà d’un seuil critique, les emplois ne pourront plus exister au niveau de ceux que l’on peut appeler les « détaillants ». Par voie de conséquence, il sera beaucoup plus difficile de trouver une échoppe de mobile money dans nos coins de rues. Seules les échoppes qui font les transferts internationaux pourront maintenir leurs activités.

Si nous observons une baisse du prix des transports, alors les gens vont se déplacer de plus en plus. Si nous observons une baisse du prix des aliments, les gens vont consommer de plus en plus ces aliments. Mais peut-on vraiment affirmer que les individus vont davantage faire des transferts ou des dépôts parce que les coûts auront baissé ? Pas si sûr. Globalement, il n’est absolument pas certain que nous aurons une hausse du nombre de transferts parce que les coûts seront passés à 1% voire moins. Les individus vont simplement passer d’un opérateur à un autre, sans pour autant que le volume de leurs transactions ne croisse. En d’autres termes, nous n’aurons pas une croissance de l’activité suite à la baisse généralisée des coûts des transferts.

Pire, ce « combat à mort » entre Orange et Wave risque de laisser sur le carreau les opérateurs qui n’ auront pas suffisamment les reins solides. Ces opérateurs ( que nous préférons ne pas citer ) risquent tout simplement de sortir du mobile money parce qu’elle ne sera plus rentable. Nous n’aurons peut être plus que deux opérateurs dans ce secteur, et cela ne se fera pas sans « casse » au niveau de l’emploi chez les opérateurs qui vont se retirer, ces pertes d’emplois qui vont s’ajouter au 22 000 qui auront déjà frappé les intermédiaires, ceux qui effectuent les services au coin de nos rues. Après l’euphorie suite à la venue de l’opérateur Wave, la question suivante se pose : l’économie ivoirienne sort-elle vraiment gagnante de cette guerre des tarifs ? Au regard de toutes ces conséquences potentielles, la venue de l’opérateur Wave est-elle vraiment une bénédiction pour l’économie ivoirienne ?

Il appartient aux autorités de réagir et d’anticiper. Il faut encadrer cette dérégulation des prix. Il faut réfléchir à des « prix planchers », afin que les marges puissent garantir l’emploi, et même garantir une concurrence saine dans le secteur du mobile money. Aujourd’hui cette baisse des tarifs est vue par tous comme une « bonne chose » dans le cadre de la lutte contre la cherté de la vie. Mais avec une hausse du chômage comme effet collatéral, on ne peut pas vraiment dire que cette baisse fait du  » bien  » à la population et à l’économie sur toute la ligne.

Douglas mountain

Le Cercle des Réflexions Libérales

oceanpremier4@gmail.com

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