Partage des gains de production du gisement baleine, la Côte-d’Ivoire n’a pas que 10% des parts

Entretient avec Serge Parfait Dioman, Expert International en Industries Pétrolières et Énergies

Dans le partage des gains de la découverte du nouveau gisement de pétrole et de gaz, l’expert international en industries pétrolières et énergies, Serge Parfait Dioman, fait des précisions sur ce que la Côte d’Ivoire gagne.

Réalisé par Anzoumana Cissé

En quoi consiste le partage des gains de production entre un pays hôte et un consortium d’investisseurs ?

A l’effet d’exploiter les ressources pétrolières et gazières de son bassin sédimentaire, il arrive qu’un pays hôte sollicite des partenaires privés nationaux ou étrangers pour mener, à leurs propres frais bien souvent, des activités de recherche, exploration et production. Les parties prenantes s’accordent par avance alors sur les modalités de rétribution qui dans la pratique consistent à se partager les gains de production.

Le CPP ou Contrat de Partage de Production sert donc tout simplement à formaliser les accords et sécuriser les intérêts de tous via un cahier des charges et des consignes clairs.

Et vu qu’il s’agit en fait de partages en nature, chaque partie prenante reçoit une part des volumes de matières brutes produites et non de l’argent en tant que tel. D’où l’importance de bien comptabiliser toute la production obtenue après les divers traitements d’épuration effectués pour ôter l’eau, les sédiments, les gaz non valorisables, les métaux lourds, etc. mêlés aux hydrocarbures extraits des puits de production.

Chaque partie prenante pourra-t-elle alors disposer à tout moment de ses parts comme elle l’entend ?

A sa convenance et par principe, chacun dispose librement de ses parts pour en faire ce qu’il veut. Pour ce faire alors, notons que la part de pétrole concédée aux explorateurs est par définition qualifiée de « Pétrole de Concession » tandis que celle qui revient au pays hôte est dite « Pétrole de Répartition ».

A terme par ailleurs, bien qu’il s’agisse à la base de partages de gains en nature, tout finit en pratique par se solder par des équivalences exprimées en termes de parts financières.

Quels sont les débouchés qui s’offrent au pays hôte ?

Plusieurs scénarii sont possibles en matière de gestion et valorisation des parts de l’Etat. S’il en a les capacités, il peut lui-même déjà entreprendre de vendre toute ou partie de ses gains sur les places de marché et éviter les intermédiaires. Sans craindre en effet d’être en situation concurrentielle avec des traders rompus à cette tâche, plusieurs pays procèdent ainsi en première option et de manière très rentable en plus.

Au demeurant, l’Etat peut bien aussi en local utiliser sa part pour les besoins de ses raffineries pétrolières, ses centrales électriques, ses usines d’engrais, etc. Car à part la fabrication de carburants et combustibles, les hydrocarbures servent de matières premières et d’intrants pour divers autres secteurs même si, par projection, la découverte de gisements de rang majeur instruit de construire une raffinerie nouvelle surtout quand l’on est en limite de degoulottage des sites existants.

Pour l’Etat toujours, un autre débouché intéressant est de vendre ses parts directement aux explorateurs avec qui il est en partenariat CPP sur le gisement en question, s’il estime pouvoir en tirer une rente plus confortable. A l’inverse enfin, lorsque les circonstances l’exigent, il peut plutôt racheter les parts en volumes de concession de ces derniers.

Ces précisions étant claires, quels sont les facteurs servant à définir l’entité majoritaire lors du partage ?

Il n’existe pas de modèle universel de contrat de partage que l’on copierait et appliquerait partout. L’on peut juste s’inspirer de ce qui se fait de mieux ailleurs et l’adapter au besoin. Il n’en demeure pas moins qu’un CPP attractif se doit d’être avant tout un contrat où chacun est rassuré d’y trouver son compte selon son statut de pays hôte ou investisseur privé.

En effet, tout privé exploitant un gisement n’a aucunement intérêt à investir pour perdre de l’argent. Pour sa part, en tant que propriétaire du gisement, le pays hôte n’a pas non plus vocation à être l’entité minoritaire lors du partage des gains. Il est de fait majoritaire. En d’autres termes, tout privé qui apporte des capitaux à la faveur du CPP gagne certainement de l’argent mais n’aura pas la majorité des parts retributives.

Ceci étant su de tous, le pays hôte est encouragé à batailler pour se faire plus de marges. C’est de bonne guerre car nul n’est lésé dans ce partenariat de type gagnant-gagnant.

Dans le cadre d’un tel CPP gagnant-gagnant, quel serait le minimum que pourrait recevoir le pays hôte ?

Vu qu’il s’agit d’un partage bipartite impliquant deux parties prenantes, la part majoritaire est au minimum supérieure à 50%. Rapporté au cas particulier de l’amont pétrolier, le pays hôte majoritaire reçoit un minimum de 51% et jamais moins.

C’est aussi simple que ça. Et tant que ce sera ainsi, l’Etat est absolument conforme à l’esprit du CPP et il n’est pas perdant.

Le consortium des privés reçoit 49% au grand maximum sinon moins. C’est cette cagnotte qu’ils ont à partager selon les ratios convenus entre eux. L’Etat n’est pas directement concerné sauf si des sociétés d’Etat font partie dudit consortium. Auquel cas alors, leurs parts seront reversées au bénéfice des gains de l’Etat.

Est-ce le cas en la Côte d’Ivoire sur le gisement Baleine ?

En effet, PETROCI est la société d’Etat qui représente de fort belle manière la Côte d’Ivoire dans le consortium associant la compagnie italienne ENI. Si de la cagnotte dédiée aux explorateurs, PETROCI reçoit sa part de 10%, il n’est pas du tout exact d’annoncer que la part entière de l’Etat est de 10%.

Et mieux, plus le consortium gagne de l’argent, plus PETROCI en gagne davantage aussi et au final, l’Etat ivoirien gagne encore plus car tout ce qui revient à PETROCI lui sera reversé de manière circulaire. En conclusion, l’Etat garde sa part de 51% au minimum plus toutes les parts additionnelles de ses sociétés d’Etat membres du consortium des explorateurs.

Hormis toutes ces parts qui reviennent au pays hôte, y aurait-il éventuellement d’autres apports pour l’état ?

De la part brute qu’elle reçoit, la compagnie ENI aura à payer des primes, taxes, impôts, etc. auxquels sont normalement soumis les opérateurs exerçant une activité industrielle. De cet apport financier supplémentaire, l’Etat augmente ainsi ses parts et devient pour ce faire de plus en plus majoritaire.

Toutefois, il n’est pas tenu de se cantonner aux 51% de parts dont il a droit au minimum. Dans la mesure du possible, il peut hausser la barre à 52% ou 53%, etc. et cela dépend de ce qu’il met dans la balance comme argumentaires factuels.

S’il fait valoir l’implication contributive active des champions nationaux en la matière, c’est une mise de taille en sa faveur.

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