Ahoua Don Melo depuis Moscou: « La majorité des Russes se moque des sanctions UE/USA et de leurs pays vassaux »

Voici comment mettre fin à la guerre

Interrogé par le journaliste Maurice Ferro Bally, l’ancien ministre de Laurent Gbagbo et ancien Dg du Bnetd, le docteur-ingénieur Ahoua Don Mello fait une autre lecture de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Il évite le prisme déformant des médias et analystes occidentaux et éclaire les enjeux de cette nouvelle crise aux implications internationales

L’Occident accuse la Russie d’envahir l’Ukraine. Quel est votre commentaire ?

Lorsqu’on écoute l’opinion dominante en Russie, car je vous rappelle que je séjourne en Russie, l’usage du terme «invasion» par les Occidentaux paraît très surprenant venant de ceux qu’ils estiment que leur irruption sur les autres continents n’ a été qu’invasion dont les œuvres se perpétuent notamment au Moyen-Orient et en Afrique où les armées occidentales ont élu domicile depuis les guerres d’occupation.

Selon cette opinion, la Révolution russe de 1917 a été l’antithèse de cette logique qui a contribué à la libération de plusieurs peuples et aux progrès sociaux majeurs de l’humanité.

De mon point de vue, la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’URSS ont entraîné un déséquilibre des rapports de force en faveur de l’OTAN qui n’a pas su s’imposer une limite malgré les engagements de départ de ne pas étendre l’influence de l’organisation au-delà de l’Allemagne en direction de la Russie.

L’Ukraine que les Russes assimilent à la province où est née la Russie, est une ligne rouge à ne pas franchir. Ce sentiment d’attachement du peuple russe à l’Ukraine est un sentiment très fort en Russie mais très peu perceptible en Occident. Il leur sera très difficile d’avaler le passage de l’Ukraine dans le camp adverse.

La guerre civile en Ukraine, entre le gouvernement et les régions autonomes pro-russes du Donbass en Ukraine depuis 2014, a fait plus de 10 000 morts et des millions de déplacés en 2022. L’accord de paix dit accord de Minsk signé entre l’Ukraine et les régions autonomes du Donbass en 2014 n’a pu être appliqué par l’ONU et les parrains de l’accord que sont la France et l’Allemagne.

Si l’UE et les USA avaient déployé la même pression et les mêmes sanctions contre le gouvernement ukrainien quand celui-ci attaquait les provinces du Donbass, on aurait évité une intervention russe. Au contraire, certains pays de l’OTAN ont voulu assurer la supériorité militaire au gouvernement ukrainien face aux provinces autonomes du Donbass en apportant un appui massif en armes et en cherchant à intégrer l’Ukraine à l’OTAN ; ce qui était un risque important pour la population du Donbass et une ligne rouge pour Moscou comme Cuba a été une ligne rouge pour Washington face à Moscou en 1962.

Pour l’opinion dominante en Russie, l’intervention russe a donc le même sens que l’intervention de l’OTAN au Kosovo face à la Serbie pour arrêter une guerre sans fin aux conséquences catastrophiques entre les provinces du Donbass et le gouvernement ukrainien. Tel est le sens qui est donné à cette intervention par la majorité des Russes qui contredit le terme d’invasion. Ces deux opinions diamétralement opposées ont besoins d’être réconciliées.

Comment sortir alors de cette crise ?

Il faut donc un nouvel accord de paix entre le gouvernement ukrainien et les provinces autonomes du Donbass et un accord entre l’OTAN et la Russie pour une sécurité équilibrée.

Les sanctions économiques sont-elles une bonne solution ? Ne risquent-elles pas d’Isoler la Russie ?

La majorité des Russes se moquent des sanctions occidentales et se demandent pourquoi les sanctions n’ont pas été infligées au gouvernement ukrainien quand celui-ci attaquait les provinces du Donbass. Pour eux, la naissance de la Russie socialiste a coïncidé avec les sanctions et chaque période de sanctions a été toujours une période d’opportunités nouvelles et de progrès. Ils n’ont donc pas la même lecture des sanctions comme l’Occident.

De mon point de vue, l’analyse selon laquelle la Russie sera isolée est un point de vue qui part de l’hypothèse selon laquelle les frontières du monde développé s’arrêtent aux frontières de l’Occident. Je pense, au contraire, que cette crise et les sanctions économiques massives contre la Russie ouvriront l’ère d’un nouvel ordre sécuritaire, économique et institutionnel et créera beaucoup de méfiance des autres parties du monde vis-à-vis de l’Occident dans les rapports économiques, financiers et sécuritaires. Car cette partie du monde n’hésite pas à instrumentaliser les sanctions économiques contre les règles de l’économie de marché pour assujettir des gouvernements et se donner un avantage économique et financier.

Par F.M Bally

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