Pluies sur Abidjan: «Quand il pleut, nous ne dormons pas, nous veillons à Abobo »

Les premières pluies, annonçant la grande saison pluvieuse, ont commencé à arroser la Côte d’Ivoire. Des populations du district d’Abidjan sont déjà gagnées par la peur. Notamment celles installées dans les zones à risques, à l’idée de que leur vie est exposée. Etant donné que leurs demeures peuvent à tout moment être emportées par les eaux pluviales. Dans la commune d’Abobo, ce sont 4 000 ménages qui sont concernés par le problème. Ils vivent dans les quartiers tels Agbekoi, Clouetcha, Plaque, Abobo Nord, Jonction Akeikoi et Djibi, Derrière Rails, Sagbe, Zone du Zoo.

Résidant au sous-quartier Désert à la Plaque non loin de l’école municipalité 2, dans une maison en partie « bouffée » par les eaux en 2021, Mme Ouattara est à ce jour très inquiète. Quand il pleut, explique-t-elle, « nous ne dormons pas, nous veillons ». La famille Ouattara y vit encore parce que le père, chauffeur de taxi communal, n’a jusque-là pas eu les moyens pouvant leur permettre de déménager. Un tiers de la maison a été emporté par un glissement de terrain, suite à des érosions du sol. L’observation du trou béant causé par ces érosions donne le vertige. Le reste de cette habitation est sérieusement menacée d’écroulement, en cas de pluies diluviennes.

Le propriétaire, selon notre interlocutrice, a décidé de négocier avec l’Etat. Lequel lui avait demandé de dire aux locataires de libérer la maison. Une mise en demeure pour la démolition de l’habitation a d’ailleurs été remise récemment à la famille Ouattara et aux autres locataires, qui y vivent jusque-là.

La même démarche a été effectuée auprès d’une autre famille vivant non loin. Celle-ci réside dans une habitation séparée de la maison des Ouattara par le trou béant en question. La famille a reçu une mise en demeure de démolition du fait de cet emplacement.

Certaines habitations voisines ont par le passé, fait les frais de glissements de terrain. Bâtie sur un sol argileux, la maison de cette famille peut à tout moment céder, au cas où de fortes pluies venaient à tomber. Selon l’épouse du propriétaire de cette maison, avec qui nous avons échangé, quand il pleut, ils abandonnent la demeure. Si la pluie tombe la journée, elle trouve refuge avec ses enfants chez des connaissances voisines, mieux logées. Si c’est la nuit, ils dorment dehors. Les enfants, en pareille circonstance, se couchent sur une table située au dos de l’école primaire municipalité 2. Traumatisée par la mort d’une de ses filles au cours d’une pluie en 2018, notre interlocutrice, qui a requis l’anonymat, affirme redoubler de vigilance à l’égard de la surveillance de ses enfants au cours de la saison pluvieuse.

Les habitations de ce quartier ayant reçu les mises en demeure de démolition, n’ont pas été détruites à la date indiquée aux locataires. Elles étaient encore là, au moment de notre passage le lundi 9 mai vers 12 heures. Aminata, élève dans une école secondaire privée située au quartier Plaque, vit chez ses parents au sous-quartier Yale. Une partie de la demeure, qui abrite la famille, n’est plus qu’un souvenir. Elle s’est affaissée suite à un glissement de terrain, causé par l’érosion en 2021. L’autre partie est également exposée au même danger. Le propriétaire, selon la jeune élève, a prié ses parents de quitter expressément le site. « Mes parents sont disposés à partir, mais ce sont les moyens financiers qui font défaut », révèle le jeune Aminata.

La mairie d’Abobo, en ce qui la concerne, multiplie les actions pour éviter des pertes en vies humaines. Le directeur technique dit sillonner les quartiers où vivent ces ménages, pour leur demander de libérer ces sites. « Nous demandons aux habitants de la commune de quitter les sites à risque. Il ne faut pas qu’ils attendent le pire pour le faire », a affirmé Niagne Agnero. Son message de sensibilisation est relayé par la radio communale. Il dit avoir actionné les points focaux. Ce sont leurs relais dans les quartiers concernés par le problème. Ils sont alors tenus d’avoir un œil vigilant sur les actions qui vont être prochainement menées, notamment, la démolition des maisons situées à proximité de ravins, ou qui peuvent du jour au lendemain s’écrouler. La direction technique de la mairie s’emploie pour sa part à continuer d’identifier les problèmes, pour les soumettre par la suite aux pouvoirs publics. Elle va également faire un plaidoyer, en vue de la prise en compte rapide, des préoccupations exprimées.

La mort tragique d’au moins 13 personnes dans la nuit du mercredi 17 au jeudi 18 juin 2020, au cours d’une pluie torrentielle au quartier Derrière-rails d’Anyama, hante encore les esprits. Pour éviter pareille situation ainsi qu’une éventuelle recolonisation du site du drame, un planting d’arbres y a été effectué. Le cantonnement des eaux et forêts d’Anyama envisage d’organiser une autre opération du genre le samedi 14 mai 2022. Une initiative qui vient à point nommé. En ce sens qu’elle doit exhorter à comprendre que les populations doivent éviter de s’installer sur les sites à risques.

Junior Jeremy
Lebanco.net

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