La crise de l’université en Afrique: Diagnostics et éléments de stratégies transversales

Colloque international pluridisciplinaire Bouaké, les 9, 10 et 11 juin 2022
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Honorables invités,
Chers collègues Enseignants-chercheurs,
Mesdames et Messieurs,
Ce colloque a été l’occasion de faire entendre de façon polyphonique et symphonique les voix des universitaires, préoccupés à la fois par le devenir des universités, par les transformations du savoir lui-même et le poids de la parole universitaire, alliage du scientifique et du déontologique, du logos et de l’éthos.
L’évocation de la parole universitaire, au terme de ce colloque initié par des philosophes, est l’occasion de rappeler la spécificité du dire philosophant, caractérisé par l’esprit critique qu’il faut s’empresser de distinguer de l’esprit de critique, réputé pour son étroitesse déconcertante. L’esprit critique, en portant la marque de l’autocritique, de l’autoréflexion et de la co-construction quasi-socratique, est l’un des phares secourables nécessaires pour diagnostiquer et surmonter rationnellement la crise de l’université. C’est cet esprit qui a fécondé, entre autres, la crisologie d’Edgar Morin dont on retiendra, pour le sujet qui nous réunit, la méthode d’observation critique et quasi clinique doublée d’une déontologie.
Cette rencontre scientifique a le mérite d’avoir amené les uns et les autres à échapper aux condamnations de leur conscience en adoptant une posture humaniste en direction de notre maison commune, l’université dans laquelle nous sommes appelés à passer la majeure partie de notre existence.
Penser à l’université en pensant l’université, c’est lui appliquer le pansement ontique et ontologique produit par les catégories héritées de la pensée pensante à l’effet d’assurer sa survie dans un monde enclin à la condamner à la simple survivance.
En effet, l’université doit vivre et non s’accommoder d’une morne survivance. Elle doit vivre conformément à son essence et à ses nécessaires transformations existentielles qu’impose la mondialisation et que l’humanité, plus spécifiquement l’Afrique, ne parvient pas à colliger adéquatement.
La crise des universités africaines, selon notre perception, est la manifestation d’une colligation ratée de l’essence de l’université et des besoins existentiels qui trouvent leur apothéose dans le socio-économiquement désiré et le scientifiquement performant.
L’essence de l’université peut être cherchée dans le principe de raison auquel nul ne peut se soustraire, dans le savoir qui récuse sans excuse ni accusation, dans le savoir savant et l’ignorance savante de Socrate. L’université comme lieu de production de ce type de savoir n’est donc pas à confondre avec un établissement postsecondaire.
La pensée de la crise de l’université doit donc, avant tout, s’enraciner dans l’essence de celle-ci sans donner dans un essentialisme obtus.
Mais cette crise ne peut être surmontée sans une conscience généralisée de l’excellence tridimensionnelle qu’il faut considérer comme une totalité insécable :
1. L’excellence académique qui repose sur la qualité de la formation et de la recherche ainsi que la qualité des infrastructures universitaires à caractère scientifique et social ;

2. L’excellence irénologique qui doit permettre de congédier scientifiquement, au sens large de Wissenschaft, le pathos activiste au profit de la recherche coopérative de l’idéal pacifiste et pacificateur de l’espace universitaire ;

2. L’excellence managériale qui implique :
a) une gestion rationnelle des ressources financières et des ressources humaines de l’université ;
b) une maximisation graduelle des ressources propres par la valorisation des expertises des Enseignants-chercheurs et chercheurs, gage d’une véritable autonomisation de l’université ;
c) une collaboration exemplaire entre l’administration et les groupes légalement constitués ;
d) une anticipation rationnelle sur le devenir des futurs diplômés.
En s’engageant résolument dans la voie de cette triple excellence, les universités en Afrique gagneront le double pari des meilleurs classements dans les rankings internationaux et de la meilleure visibilité dans les stratégies d’implémentation du développement durable.

Chers collègues, par vos voix, cette voie de l’excellence tridimensionnelle a été magistralement explorée et c’est pourquoi, le Pr Abou KARAMOKO ici présent et moi-même, qui avons tenu pendant plusieurs années les rênes d’une université, nous vous en félicitons.
C’est le lieu pour nous d’adresser des remerciements très sincères à tous les collègues qui ont effectué le déplacement à Bouaké, depuis les grandes régions du continent africain et les grandes villes de la Côte d’Ivoire pour prendre part à ce colloque. Nous pensons aux Professeurs Stève Gaston BOBONGAUD, Célestin Kalombo MBUYU, Ignace BIAKA, Ramsès Tiémélé BOA et à la Présidente de l’université de Daloa, Madame le Professeur Abiba TIDOU SANOGO Épse KONÉ, représentée ici par le Professeur Issiaka KONÉ, Doyen de l’UFR des Sciences sociales et humaines.
Nous remercions tout particulièrement le Ministre Nicoué BROOHM, Professeur titulaire de Philosophie à l’université de Lomé, le Professeur Mahamadé SAVADOGO, anciennement Président du CTS LSH du CAMES, qui ont toujours su se libérer pour notre Institution à l’occasion des séminaires doctoraux, des soutenances de Thèse et cela, depuis plus d’une dizaine d’années.
Comment ne pas remercier également les autorités administratives et académiques de l’Université Alassane Ouattara qui se sont véritablement impliquées dans l’organisation de ce colloque ? Nous pensons au Président Koffi KOUAKOU, au Doyen de l’UFR CMS, le Pr Assouma BAMBA, au Vice-Doyen chargé de la pédagogie, le Pr Tro DEHO, au Chef du Département de Philosophie, le Professeur Grégoire TRAORÉ qui tient entre ses mains le flambeau hérité du Professeur Ludovic Fié DOH, un flambeau dont la flamme originelle est liée à un nom : Ignace Ayénon YAPI, Premier chef du département de Philosophie de l’université de Bouaké.
Nous n’oublions pas le Comité d’organisation, avec à sa tête, le Professeur Kolotioloma Nicolas YÉO que nous tenons à féliciter très chaleureusement pour son expertise organisationnelle.
Somme toute, ma conviction, aujourd’hui, est que le plus grand défi que doivent relever les universités en Afrique pourrait se traduire par l’appropriation mentale de la culture de l’universellement souhaitable que nous inspire la maxime d’Emmanuel Kant : « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature ».

Je vous remercie
Prof. Lazare Poamé

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