AN 62-Côte d’ivoire – Ouattara cadeaute les fonctionnaires, fait le service minimum pour Gbagbo et ignore Bédié

Le discours à la nation délivré par le président de la République Alassane Ouattara suscite beaucoup de commentaires et réactions. Ce n’est pas qu’il ne l’est pas habituellement mais parce que celui-ci est riche en promesses et en décisions fortes qui impacteront l’avenir politique et socioéconomique du pays.

Après avoir obtenu la trêve sociale de 5 ans avec les syndicats des 150 mille fonctionnaires, sa réponse était très attendue par ceux-ci. Eux qui portent de sempiternelles revendications touchant à la vie du fonctionnaire ivoirien, avaient soif de connaître ce que le chef de l’état, demandeur de la trêve, donnerait en contrepartie.

Cette réponse est connue depuis la soirée du 6 août 2022, veille de la fête de l’indépendance. Un train de mesures en cinq composantes allant de l’allocation de la prime de logement à tous les fonctionnaires laquelle est d’ailleurs est revalorisée de 20.000 Fcfa, à l’octroi d’une prime annuelle équivalant à un tiers du salaire indiciaire de base et payée début janvier de l’année suivante. A défaut du 13e mois réclamé par les syndicats, les fonctionnaires ne sortent pas perdants.

Ce train de mesures qui satisfait une frange importante de notre société est tout de même une symphonie inachevée. Les fonctionnaires vont jubiler et avaler les revendications non satisfaites pour les 5 années à venir. C’est le prix à payer. Avec eux, on peut estimer à environ 1 million 500 mille personnes ceux qui seront impactés par ces mesures si l’on considère que c’est en moyenne 10 personnes qui sont grèvées sur le salaire du fonctionnaire.

Symphonie inachevée parce que les travailleurs du privé, les plus nombreux du reste auraient aimé sourire autant que les fonctionnaires. Ils sont renvoyés à leurs employeurs respectifs qu’aucune loi ne contraint à une augmentation automatique dès que l’état ajuste le traitement de ses salariés. Ils tireront pour des années encore le diable par la queue. Surtout pour ceux qui jusque-là ne peuvent toucher le Smig de 60 mille Fcfa que le chef de l’état promet de revaloriser. La discussion avec les chefs d’entreprise est promise.

Symphonie inachevée encore parce que de notoriété nous avons une fonction publique peu productive et largement dépensière. Les charges de l’électricité, du téléphone, de l’internet, de l’eau, des frais de mission… grèvent chaque année les budgets et alourdissent considérablement l’ardoise de la dette. C’est cette fonction publique qui est cadeautée juste pour qu’elle abandonne les revendications. Pour financer les 227 milliards d’incidence financière, l’état va compter sur l’aide extérieure mais surtout sur l’impôt des entreprises.

En pleine crise inflationniste, ces mesures étatiques seront loin d’être efficaces. Elles seront même source d’une nouvelle inflation parce qu’il faudra ajuster cette masse salariale aux prix pour assurer le nécessaire équilibre. Il est une logique économique que toute augmentation de la masse salariale induit une inflation ainsi que l’a démontré l’économiste Irving Fischer à travers sa fameuse théorie quantitative de la monnaie. Celle qui veut que la masse salariale soit proportionnelle aux prix des biens de consommation et du nombre de transactions effectuées par les consommateurs.
Les mesures ainsi annoncées par le président de la république constituent une réponse adéquate étant donné que l’augmentation des salaires est l’une des réponses que prennent souvent les gouvernements pour relever le pouvoir d’achat des ménages. Mais là, il ne faudra pas s’étonner de l’effet contraire. C’est-à-dire une nouvelle inflation dans l’inflation.

Au plan purement politique

Dans son discours, le chef de l’état a reconnu l’apport des opposants à son régime au climat de paix qui règne et qui booste les investissements. Aussi a-t-il pris des mesures de décrispation.
On note la grâce présidentielle accordée à son prédécesseur Laurent Gbagbo condamné par contumace à 20 ans de prison par la justice dans l’affaire du casse de la Bceao. De même, un décret est pris pour permettre à Laurent Gbagbo de jouir enfin de sa rente viagère, de toucher le rappel de cette rente, de bénéficier du dégel de ses comptes bancaires. Avec lui, deux officiers supérieurs de l’armée obtiennent la liberté conditionnelle. Le commandant Jean Noël Abéhi et le vice-amiral Vagba Faussignaux, ancien commandant de la marine nationale. Pour Laurent Gbagbo, c’est le verre à moitié plein, moitié vide. Après la rencontre au sommet le 14 juillet 2022 entre les 3 grands de la politique ivoirienne Ouattara Gbagbo et Bédié les deux anciens présidents étaient en droit d’espérer mieux sinon plus que les annonces faites. Selon plusieurs proches du président Gbagbo, ce qui convient pour leur champion dans le cas d’espèce, c’est bien plus une amnistie qu’une grâce présidentielle qui n’efface guère l’infraction supposée. Il prend sur sa tête l’épée de Damoclès pour le stopper net dans sa nouvelle ambition présidentielle. Les condamnations à 20 ans avaient servi d’alibi à la radiation de Gbagbo, Blé Goudé et Guillaume Soro de la liste électorale en 2020.

S’il y a une personnalité qui doit être mécontente en ce moment, c’est bien le président du Pdci. Henri Konan Bédié avait misé sur la bonne compréhension d’Alassane Ouattara pour revendiquer des changements profonds du code électoral. Dans une courte déclaration à la veille de l’indépendance, il avait révélé les raisons de son déplacement au palais présidentiel le 14 juillet 2022. Pour Bédié c’était la foi en son pays, sa foi au dialogue et à la réconciliation. Il avait souhaité une Cei nouvelle débarrassée des dispositions confligènes et un découpage électoral équitable, objectif et consensuel. Ouattara n’en a soufflé aucun mot et les deux nouveaux alliés s’en trouvent froissés. On attend les orientations à donner par Gbagbo après sa rencontre ce lundi 8 août avec le conseil stratégique et politique ((Csp), instance de réflexion de son parti.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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