Funérailles en pays Bété et Dida de Côte-d’Ivoire: Solidarité culturelle ou pure arnaque organisée (suite et fin)

Dans cet article qui fait suite à mon article précédent, je voudrais revenir sur ce drame que vivent les populations Bétés et Didas de Côte d’Ivoire. Les funérailles sont l’objet de depenses folles à telle enseigne qu’un bété ou un dida est capable de vendre son terrain. Oui, les terrains agricoles sont l’objet de commerces juteux pour enterrer les morts dans cette région du pays. Certains vont même s’endetter en actionnant des crédits cartes, demander de l’aide par ci par là, prendre des avances sur les salaires pour ceux d’entre eux qui travaillent, juste pour enterrer un mort. Pourquoi ne pas se contenter de ses maigres moyens et enterrer son mort plutôt que de se ruiner pour paraître?

Je comprends. Ne pas enterrer dignement comme ils le disent est synonyme de pauvreté et donc d’humiliation. Les gens parlent et parlent donc moralement tout le monde se sent obligé de s’endetter s’il le faut pour faire face aux frais des funérailles. Le problème est qu’après les funérailles c’est le chaos. Tout le monde est parti et la veuve ou le veuf ne verra plus jamais ces gens. Les orphelins sont livrés à eux-mêmes et exposés à toutes sortes de tentations.

Si par miracle de Dieu certains de ces enfants abandonnés à leur sort réussissent à s’en sortir, ces mêmes messieurs et dames reviendront vers eux sous le fallacieux prétexte qu’ils sont les oncles, tantes, cousins, cousines de leur père ou mère décédée. Ils viennent demander de l’aide financière. Si ces doléances leurs sont refusées, ils vont proférer des malédictions. C’est un véritable drame que vivent ces populations de ces régions du pays.

Personne n’ose en parler car c’est un sujet tabou. Les gardiens des traditions vont s’en approprier avec l’aide des sorciers. Si et seulement si Téa Labbé pouvait revenir dans ce monde pour continuer l’œuvre qu’il avait entreprise, les choses se seraient améliorées depuis longtemps. J’ai l’impression que les ressortissants de ces régions sont pris en otage par ces mentalités d’un autre âge et c’est difficile de s’en défaire. Ceux qui viennent à ces funérailles sont contents parce qu’ils savent ce pourquoi ils viennent, filles comme garçons pendant que les concernés ont des difficultés à subvenir aux frais des funérailles.

Ailleurs les funérailles ne coûtent pas si chères que cela. Pourquoi ce sont seulement ces deux ethnies qui portent le flambeau des funérailles qui dépassent le bon sens?

D’aucuns me diront de quoi je parle. Chacun se débrouille en cas de maladie mais en cas de décès on vient pleurer en organisant des funérailles monstres, bref on me dira que chacun enterre son parent selon ses moyens. Je rétorque qu’à la limite c’est bien sûr la solution de dernier ressort. J’ai vu des gens être enterrés sur des nattes, sans nourriture chère, ni boisson, ni fanfare, etc à leurs décès. Oui cela existe. Mais c’est vraiment les derniers choix. Cependant, aujourd’hui, les choses se passent autrement.

L’homme vit de comparaison dit-on. Les gens se moquent, les gens parlent. C’est cela le problème. Pour éviter les gênes, les dénigrements, les embêtements, les humiliations, les jugements malsains, les préjugés, il faut que les communautés concernées s’accordent sur le minimum, l’essentiel. Par exemple, Téa Labbé comme je disais avait introduit des changements et personne ne revient plus sur ces changements. Donc on peut encore beaucoup améliorer nos pratiques de funérailles sans grandes difficultés si on veut vraiment.

A l’heure actuelle ces pratiques sont nuisibles pour la société et pour les parents du défunt. Ne pourrait-on pas faire l’économie de ces nombreux frais et organiser des funérailles simples à coûts bien réduits? On gagnerait à collecter de l’argent pour aider les orphelins, les veuves ou veufs plutôt que de venir augmenter leurs charges? Chers frères et sœurs et parents bétés et didas de Côte d’Ivoire, je vous demande d’améliorer cette façon de célébrer nos morts qu’il soient enfants, jeunes, vieux, riches, pauvres, frères, sœurs, papa, mamans, cousins, cousines, nièces, neveux. Je propose par exemple:

-Pas besoin de cercueil cher

-Pas besoin d’enterrer quelqu’un avec de l’or, du diamant, des habits et bien d’autres effets chers versés dans le cercueil quelque soit le rang social et les richesses du défunt

-Laissez les biens du défunt à ses orphelins, à sa femme, à son mari. Ils en ont besoin pour survivre

-Abandonnons les charges superflues, inutiles instaurées au nom de certaines alliances entre villages (les boeufs, les moutons, les liqueurs, beaucoup d’argent, etc)

-Ayons de la modestie dans nos comportements lors des funérailles

-Changeons nos mentalités

-Cherchons plus à voir ce que deviennent les enfants orphelins, les veuves, les veufs, comment leur venir en aide en terme de business, en terme d’investissements économiques dans de petits projets générateurs de gains financiers.

-Enfin, cherchez à vous organiser pour souscrire dans les assurances vie pour vous mêmes et pour vos proches comme le font les Bamilékés du Cameroun et les Igbos du Nigeria pour éviter des surprises désagréables. Je ne dis pas d’être ces ethnies mais l’homme vivant de comparaison, il est temps qu’on améliore nos coutumes et mœurs comme Tea Labbé l’avait si bien commencé. Tout évolue sur cette terre, nous devons nous adapter à l’évolution des temps modernes.

Cette soi- disant solidarité culturelle aurait ainsi un sens réel.

Merci

Dr. Charles Koudou, Administrateur de la Santé
Consultant Indépendant en Santé et Développement
Fondateur de la Société Civile Conscience Nationale pour le Développement
koudoucharles@gmail.com facebook@charleskoudou

Commentaires Facebook

1 réflexion au sujet de « Funérailles en pays Bété et Dida de Côte-d’Ivoire: Solidarité culturelle ou pure arnaque organisée (suite et fin) »

  1. merci Dr koudou Charles !
    le sujet abordé touche une grande majorité des ethnies du grand ouest ivoirien et non seulement les bété et dida. on retrouve ces mêmes pratiques chez les Wè, les Gouro, les Dan, ect…
    comme vous avez aussi signifié l’idée de la comparaison, nous lecteurs, on aimerait bien savoir comment ça se pas dans les autres peuples ivoirien ?
    les baoulé, malinké, abron, attié, ect…
    il doit y avoir mieux tout près de nous où copier les bonnes pratiques plutôt que d’aller au Nigeria ou nulle part ailleurs trop loin.
    merci d’avoir touché du doigt une plaie béante dans notre pays.
    tous les vendredis midi,il n’y a plus personne dans les services de l’État.
    tout le monde voit cela mais personne n’en parle. enfin, grâce au votre contribution, peut-être qu’on va commencer à en parler et trouver les meilleurs solutions.

Les commentaires sont fermés.