Damiba impuissant au Burkina-Faso ?

Burkina Faso : La dramatique impuissance du Lieutenant-Colonel Paul Damiba

Lorsqu’il a renversé le Président Roch Marc Christian Kaboré le 24 janvier dernier, le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba avait affirmé que la sécurité et l’intégrité du territoire seraient ses priorités absolues. Bien entendu la population a applaudi. Il faut dire que les attaques s’enchaînent, donnant un sentiment d’impuissance au sommet de l’État. Le pays était à ce moment-là toujours traumatisé par l’attaque d’Inata dans le Nord du pays le 14 Novembre, qui avait fait 57 morts dont 53 gendarmes et 04 civils. Cette attaque à ce jour la plus meurtrière subie par l’armée, avait révélé des graves dysfonctionnements, notamment les ravitaillements qui ne parvenaient pas aux soldats.

La population avait imputé cette attaque au Président Roch Kaboré, taxé de laxiste et d’incompétent. Des marches ont été organisées pour réclamer sa démission. A cela se sont ajoutés des mouvements d’humeur de soldats, dans plusieurs casernes. Tout cela était parfaitement compréhensible, sous le coup de l’émotion. Mais les Burkinabés auraient dû comprendre que tous les pays confrontés à cette menace, Mali, Niger, Nigeria, Tchad, etc…Tâtonnent face au terrorisme. Il n’y a pas de solutions miracles.

Aujourd’hui le constat est clair, le départ du Président Roch Kaboré n’a eu aucune incidence sur la situation. Six mois après le putsch qui l’a renversé, la situation sécuritaire n’a jamais été aussi dégradée. Selon les analystes, l’épicentre des attaques en Afrique de l’Ouest n’est plus le Mali mais le Burkina Faso. La junte au pouvoir semble impuissante. Le Lieutenant-Colonel Damiba a lancé un appel aux djihadistes pour qu’ils « désarment, en vue d’un dialogue inclusif », un appel qualifié de  » plaisanterie  » par la presse. Pour les Burkinabés, le Lieutenant-Colonel Damiba n’est pas l’homme de la situation, il doit rendre le tablier. Pour contenir la colère de la population, quelque chose a été mis sur le salaire des fonctionnaires.

Mais la démarche la plus controversée du Lieutenant-Colonel Damiba fut la rencontre avec ses prédécesseurs, « dans le cadre d’un processus de réconciliation nationale ». Une première rencontre à trois fut organisée le 21 Juin dernier, avec jean baptiste Ouédraogo ( président de Novembre 1982 à Août 1983 ) et Roch Kaboré. On apprenait dès le lendemain que celui-ci n’avait été informé de l’objet et du format de la rencontre qu’une fois sur place. La Présidence burkinabé a publié une image des trois hommes, attablés, souriant et semblant discuter paisiblement. En réalité, la rencontre fut glaciale.

Une seconde rencontre devait regrouper tous les anciens présidents, dont Blaise Compaoré, Michel Kafando qui avait dirigé la transition, et Yacouba Zida qui avait dirigé le pays durant 21 jours. Elle n’a pas enregistré la participation de Kaboré, et celle des deux derniers cités. La présence de Compaoré, venu d’Abidjan participer à cette rencontre, fut diversement appréciée. Si les militants de son parti, le CDP, se sont naturellement réjouis, la société civile dans son ensemble a mis en avant la condamnation qui pèse sur l’homme dans le cadre du procès Sankara.

Aujourd’hui, on s’interroge sur l’objectif visé avec ces rencontres. Pure distraction pour certains, réelle nécessité pour d’autres, elles semblent avoir néanmoins fait baisser la tension dans le pays. Mais pour combien de temps car entre-temps les attaques ont repris ? Au lendemain d’une série d’ attaques qui a coûté la vie à une vingtaine de soldats en plus des supplétifs de l’armée et des civils, le gouvernement annonçait le 12 Août dernier, « une vaste réorganisation de l’armée en vue de récupérer les territoires aux mains des djihadistes ». A y regarder de plus près, les autorités misent sur la communication pour contenir la colère de la population. La stratégie va-t-elle toujours fonctionner ?

Le putsch était une solution de facilité. Les militaires se rendent aujourd’hui compte qu’ils ne sont pas en mesure de faire des miracles. À court de solutions, ils sont coincés. Entre-temps, ils ont suspendu la démocratie dans le pays, officiellement pour une durée de transition de deux années (à compter du 01 Juillet 2022 ). Mais une recrudescence des attaques va indubitablement fragiliser le régime du Colonel Damiba, car la colère va à nouveau monter dans le pays. Une instabilité politique n’est pas à exclure. A quoi aura donc servi le départ du Président Roch Kaboré ? Ainsi disons-le tout net, un putsch n’est jamais une solution viable à long terme pour un pays, quelle que soit la crise du moment.

Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions libérales
oceanpremier4@gmail.com

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