Titêh à Mama/l’intégralité du discours: Laurent Gbagbo dit tout…coût de la vie, Pulchérie, les 49, les magistrats etc. tout y passe

Ce Samedi 03 Septembre, les populations de la région du Gôh ont célébré le Titêh à Mama, village natal du Président Laurent Gbagbo. Ci-dessous le message discours intégral du Président Laurent Gbagbo.

Le Titêh est une fête culturelle, de réjouissance, chez les populations
de la région du Gôh, qu’un village initié en se déplaçant dans un autre
village pour lui exprimer son amitié ou témoigner sa reconnaissance à
une personne de ce village. Cette fête culturelle à Mama a donc été un
Titêh dédié au Président Laurent Gbagbo, Président du PPA-CI, ancien
Président de la République de Côte d’Ivoire, revenu victorieux de la
Cour Pénale Internationale (CPI).

« Chers frères, chers amis, je vous remercie pour avoir organisé cette
manifestation pour me souhaiter un bon retour à la maison et une bonne
sortie de prison. Je remercie tous les Chefs des Départements d’Oumé et
de Gagnoa. Je vous remercie pour votre présence, votre accueil. Je vous
remercie. Ayahoo, Ayahooo.

Je ne connais pas bien le sens du mot Titêh, mais quand j’étais petit,
ici même, j’ai vu deux Titêh. Un Titêh où les gens de Kpapekou sont venus
danser ici à Mama. Nous étions tout petit et on regardait les gens faire
la sorcellerie. Je disais mais lui là, pourquoi fait-il ça ? Et on me
répondait qu’il le faisait pour arrêter tous ceux qui arrivaient parce
qu’eux aussi étaient sorciers. Donc c’était sorcier contre sorcier. La
deuxième fois, c’est quand mon père a envoyé les gens de Mama à Kpapekou
pour saluer sa famille maternelle. Sinon je ne connais pas le sens exact
de Titêh mais ce que je retiens, c’est qu’on s’amuse, on danse pour
quelque chose Et c’est à ce moment là que, selon la recherche que j’ai
faite plus tard, les bhétés sortaient le Bagnon. C’est à dire un homme
beau physiquement mais aussi saint moralement. Parce que si tu es beau
et que tu es un mauvais garçon, voleur, menteur, méchant, on ne te
choisit pas comme bagnon. Donc pour être bagnon, il faut réunir les
qualités physiques et morales. Et le bagnon sort généralement hors de
son village puisque le village va ailleurs. Si je dis par exemple que
les Gbadia vont saluer Hubert Oulaye dans son village, entre Guiglo et
Taï, on sort le bagnon et il fait impression. A cette occasion,
certaines femmes peuvent tomber amoureuses de lui et viennent avec lui.
C’est une occasion aussi pour se marier. Moi je connais un ami qui s’est
marié comme ça mais le mariage n’a pas duré longtemps ( rires ). C’est
un moyen de contact, entre les Peuples, entre les villages et un moyen
d’échanges, dans tous les sens du mot. Le Titêh est tellement lourd
qu’on ne le fait pas n’importe quand et comment. Il faut au minimum deux
jours, le jour d’arrivée et le jour de départ. Pour qu’on organise le
Titêh c’est qu’il y a une vraie raison qui touche aux gens, qui les
pousse à accepter de laisser leurs travaux champêtres. C’est pourquoi je
mesure profondement l’organisation de ce Titêh qui m’est destiné. Je
réalise que les gens ont une bonne idée de moi et je vous remercie pour ça.

Aujourd’hui, Je ne vais pas faire un discours politique parce qu’on est
là pour s’amuser entre frères. Mais, si le toucan est assis sur l’arbre
et dit je ne mange aucun fruit de cet arbre, qui peut le croire ? Quand
le toucan est quelque part, il mange un peu. Donc, étant un toucan assis
sur des branches d’arbres, je vais manger un peu ce qui est là, sinon ce
n’est pas pour faire la politique aujourd’hui (rires).

Nous sommes à la rentrée scolaire. Quand je suis arrivé ici à Mama, j’ai
vu deux fois des images à la télévision, je ne sais plus quelle chaîne,
où on nous montrait notre grand amphithéâtre de l’Université de Cocody,
l’amphithéâtre Léon Robert. J’étais étonné de voir que c’est là-bas que
beaucoup d’étudiants dorment. Il y a leurs habits qui traînent, des
étudiants ivoiriens qui y dorment. Est-ce que ça vous dit quelque chose
ça ? Des étudiants ivoiriens ? Un pays qui est dit-on en émergence et où
les étudiants ont leur habits dans un amphithéâtre parce qu’ils ne
savent pas où aller. Alors je me suis renseigné. On dit que la nuit, ils
cherchent un seau pour prendre de l’eau, aller derrière les salles de
classe et se laver. En Côte d’Ivoire ? À Abidjan ? Ça m’a touché parce
que cette université est la nôtre. Elle est la nôtre en tant qu’étudiant
et elle est la nôtre en tant que chercheur. Il n’y a plus de chambres en
Cité. Il n’y a plus de Cités. Ce n’est pas normal. Je me contente de
dire ça. C’est choquant pour quelqu’un qui a fait son Université à
Abidjan, avant d’aller outre-mer, c’est choquant. Pour quelqu’un qui a
connu cette Université, c’est choquant. Quand on a commencé à construire
l’Université de Cocody, c’était en pleine forêt, quand le Ministre Léon
Robert est allé placé la première pierre. Les gens disaient mais
pourquoi ils vont loin comme ça ? Bref… L’Université est un patrimoine
commun, intellectuel, et nous avons le devoir de le conserver. Ce n’est
pas bien de le laisser se dégrader au point où les étudiants sont
obligés de dormir dans un amphithéâtre. Ce n’est pas bien et il faut le
dire. Peut être qu’on ne dit pas aux autorités mais nous avons ce devoir
de leur dire.

Je voulais aussi dire un mot sur la cherté de la vie. Nous autres, nous
avons fini notre temps, nous sommes à la retraite depuis longtemps.
Hubert oulaye était Ministre de la fonction publique quand on m’a envoyé
mes papiers pour que j’aille à la retraite. C’est le Ministre Hubert
Oulaye même qui m’a donné, en mains propres. Mais, en ce temps, on
mangeait à notre faim. J’ai commencé mon métier de professeur, vous
savez combien je touchais ? 70.000 FCFA en 1970. Et la maman de Michel
touchait 70.000 FCFA aussi. Nous étions des fonctionnaires et nous
avions de l’argent. Je vois maintenant des personnes qui étaient dans ma
classe, qui sont devenus des banquiers, des enseignants, mais le coût de
la vie était tel qu’on s’en sortait. Le Gouvernement lui même faisait
des efforts pour qu’on s’en sortait. Le Gouvernement nous logeait, nous
les enseignants. C’est une loi que si l’inflation monte, le Gouvernement
devra faire des efforts sur les taxes et impôts. Il diminue sa part pour
que les citoyens aient une part conséquente. C’est comme ce que nous on
nous logeait. On payait tout, sauf les loyers. Même les logements, nous
étions meublés, et on avait même le réfrigérateur. C’était ça. Qu’est-ce
que ça veut dire ? Ça veut dire que, du point de vue de l’économie, si
les citoyens souffrent parce que l’inflation monte, le Gouvernement
devra faire un effort sur ce qu’il prend de la poche des citoyens pour
que ceux-ci puissent respirer. Je ne sais pas ce que l’Etat fait en ce
moment. Des mesures ont été annoncées, le 06 août 2022, touchant les
fonctionnaires, certainement bien, mais il faut faire plus parce qu’il
n’y a pas un seul citoyen avec qui je cause qui ne me parle pas de la
cherté de la vie. Ce n’est ni l’ASEC, ni l’AFRICA, c’est la cherté de la
vie. Même si on a fait quelque chose, il faut faire encore plus que ce
qu’on fait. Ceux qui sont aux manettes doivent étudier. Nous, quand nous
étions aux manettes, pendant deux ans, j’avais refusé d’augmenter le
prix de l’essence à la pompe pour que les ivoiriens puissent rouler et
circuler. Au bout de 2 ans, on a augmenté mais ça nous a laissé le temps
d’étudier d’autres voies et moyens. Cette demarche a permis aux
conducteurs de gagner quelque chose. Et ils ont gagné. Quand ils sont
venus me voir, il n’ont pas cassé la baraque, ils m’ont remercié d’abord
avant de poser le problème. Il faut parler avec les consommateurs. On
croit qu’ils sont idiots, mais non, ils savent ce qu’il leur faut pour
améliorer leur condition de vie. La cherté de la vie est trop grande
aujourdhui et ça existe dans tous les pays. Mais nous, il faut qu’on
étudie ce qu’on doit faire pour que ce soit supportable chez nous. Nous
sommes prêts à aider à la réflexion sur ce sujet, parce que c’est un
sujet, non seulement d’actualité mais brûlant. Et si on n’y prend garde,
c’est un sujet explosif.

Ayant parlé de la cherté de la vie, je dois aussi parler d’un sujet dont
je parle souvent : la libération des militaires emprisonnés. Oui le 06
août, j’ai passé un coup de téléphone au Président de la République pour
le remercier d’avoir libéré l’Amiral Vagba faussignaux et Abehi Jean
Noël. Je lui ai dit Merci mais que ce n’est pas ce que j’avais demandé.
J’avais demandé la libération de 14 militaires et je pense que sur les
14, il y en avait beaucoup pour lesquels la libération aurait été plus
facile parce qu’ils ne sont pas connus. Mais il a libéré ces deux, c’est
toujours bon à prendre. Mais le combat continue parce qu’il faut qu’on
libère tout le monde. Un militaire, et pourquoi je m’investis autant dans
cette affaire, est fait pour obéir aux ordres que donne son Chef. Et le
Chef suprême des armées est le Chef de l’Etat. Donc pour moi, j’ai donné
des ordres auxquels ses militaires ont obéi. On m’a arrêté, donc on les
a arrêtés. Bon, il y a une logique. Mais on me libère en disant que je
suis innocent et en précisant que je n’ai pas donné d’ordre contraire à
la morale, ni à la loi. C’est écrit. A partir de ce moment, si on me
libère, pourquoi le militaire qui n’a fait qu’obéir est encore en prison
? Puisqu’il n’a pas obéi à un ordre mauvais, et que celui qui a donné
cet ordre a été libéré. Donc il faut libérer l’exécutant. Voilà pourquoi
je me bats toujours et toujours pour que les militaires soient libérés.
Je continuerai à me battre. Mais en plus, et en logique avec ça, 49 de
nos militaires viennent d’être arrêtés au Mali. D’autres ne voient pas
claires et ne savent pas lire. Dès qu’ils ont été arrêtés, notre Parti,
le PPA-CI, a pondu un communiqué qui demandait, entre autres, que
l’Assemblée Nationale fasse une enquête sur ce sujet pour qu’on sache la
vérité. L’Assemblée Nationale n’a jamais fait l’enquête or pour que le
peuple puisse se prononcer sur une affaire, il faut qu’il sache les
tenants et aboutissants de cette affaire. Il faut qu’ils sachent d’abord
si ce sont des militaires, des militaires ivoiriens et qu’on sache ce
qu’ils faisaient au Mali. Étant entendu qu’un militaire obéit à des
ordres, s’ils s’y sont rendus, obéissant à un ordre, il faut que cette
enquête nous révèle quel est cet ordre et pourquoi on les à arrêtés ?
Des gens nous disent que ce n’est pas la première fois et que c’est la
huitième fois, mais pourquoi c’est la première fois qu’on les arrête ?
Donc notre rôle est de chercher à débusquer toujours la vérité. Une
fois qu’on sait la vérité on peut prendre des décisions, on peut mener
la réflexion. Sur ce point , je demande que les autorités maliennes
tiennent compte plus de celui qui les a envoyés que de ceux qui ont été
envoyés parce que ce sont des militaires. Moi j’ai été Chef d’Etat
pendant 10 ans et je sais comment l’armée et les militaires
fonctionnent. Je demande qu’on nous permette, aussi à nous qui sommes
dans l’opposition, de mener des démarches. Je suis sûr que le
Gouvernement fait tous ses efforts pour discuter en public, en cachette,
pour obtenir la libération des 49 militaires. Mais s’il ne réussit pas,
je souhaite qu’on nous autorise, nous aussi, à discuter, de ces questions,
avec les réseaux que nous avons au Mali, dont certains sont aux
affaires, pour qu’on puisse chercher à ramener nos compatriotes au pays.

Je voulais aussi dire un mot sur une dame que je ne connais pas, que je
n’ai jamais vu, mais que j’ai vu à la télé, dans les journaux, qui
s’appelle Pulcherie Gbalet. Elle a été arrêtée. Moi je dis toujours que
la prison n’est pas une solution aux problèmes politiques. J’ai fait 10
ans à la Présidence de la République, je n’ai jamais arrêté quelqu’un
qui fait la politique, parce que je ne vois pas la prison comme solution
aux problèmes politiques. Je vois que certains recourent facilement à
l’emprisonnement. Ce n’est pas ma méthode de travail. Ce n’est pas comme
ça que je vois les choses. Cette dame, je ne la connais pas. Il paraît
qu’elle s’occupe des problèmes de consommateurs. On l’accuse d’avoir
rencontré Soro Guillaume et d’avoir ourdi avec lui des complots. Moi je
connais des tas de gens qui ont rencontré Soro Guillaume et qui sont à
Abidjan. Soro même, j’ai travaillé avec lui. Donc si on dit qu’elle a
ourdi des complots, bon là, il faut le dire très clairement, le
démontrer, que la justice soit persuasive, parce que le temps de mettre
quelqu’un en prison en disant qu’il fait un complot, on est fatigué de
ça. Moi j’avais 19 ans quand ils sont venus arrêter papa à la maison. Il
leur a dit : moi je ne suis pas militaire. Donc si je tue Houphouët, je
vais avoir quel poste ? Mais on l’a quand même mis en prison et il y a
fait deux ans. Donc Soro Guillaume est quelqu’un qu’on doit pouvoir
rencontrer. Sinon les gens le rencontrent, ça fait quoi ? Moi c’est vrai
que je ne l’ai pas rencontré depuis qu’il est en cavale, mais ça ne
m’ajoute rien et ça ne m’enlève rien. Mais si quelqu’un le rencontre, ça
fait quoi ? Ceux qui sont à l’extérieur et qui ont peur de rentrer, il
faut que l’Etat ait des attitudes, telles qu’ils aient envie de rentrer.
D’autres sont au Liberia, au Ghana, au Togo, au Bénin, si ceux là, ont
veut les attirer, il faut bien avoir une politique qui les attire au
pays. Donc je pense que si Pulcherie Gbalet a effectivement comploté ,
on est pas obligé de la mettre sous mandat de dépôt. On peut ouvrir un
dossier et puis suivre l’enquête. Il se peut qu’au bout d’un certain
moment, on se rende compte que le dossier est vide. Parce qu’on a eu
beaucoup de dossiers vides , dont le mien. Mais si au bout d’un temps,
on trouve que le dossier est plein et que les preuves sont irréfutables,
alors là on peut la mettre sous mandat de dépôt. Mais je prie les
autorités de ne pas avoir comme réflexe premier la délivrance d’un
mandat de dépôt. Ça ne rend pas service à la Côte d’Ivoire, à la
liberté, à la démocratie et ça nous désole, nous qui nous sommes battus
pour la démocratie. La délivrance d’un mandat de dépôt ne doit pas être
le seul réflexe de nos magistrats.

Chers amis, comme nous ne sommes pas à une réunion politique, voilà
quelques problèmes que je voulais soulever pour qu’on soit honnête avec
nous même et qu’on parte avec les même points de vue sur les sujets qui
nous chatouillent un peu. Mais j’insiste beaucoup sur les problèmes de
l’Université. Si nous voulons construire avec la jeunesse, il faut
donner des cadres d’étude sain à nos jeunes : des écoles primaires, des
collèges, lycées, universités. Il y a quelques universités
privées qui pullulent Abidjan. Je vais faire une étude sur la qualité
des Universités qui pullulent sur Abidjan. Pour nous qui habitons
Cocody, chaque cour est presque devenue une Université. Vous sortez de
vos maisons, vous rencontrez des tas de jeunes en chemises blanches,
jaunes, bleu. Vous allez encore plus loin vous rencontrez un autre
groupe. On ne peut pas avoir une telle prolifération d’Universités
privées. La qualité suppose une certaine rareté. Donc pour qu’on ait des
Dans les Universités de qualité, il faut une rareté des Universités . Donc
j’insiste beaucoup car ça m’a choqué, et ça me choque encore que
l’amphithéâtre soit devenu un dortoir qui ne dit pas son nom.

Chers amis, voilà les quelques mots que je voulais dire à votre endroit.
Je vous remercie d’être venus, mes parents vous remercient, les Chefs de
villages, de terre, tous les habitants de Mama vous remercient. Je vous
souhaite un bon retour. Ayokaaa. »

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