Plainte de Guikahué contre X…Me Atabi explique les enjeux de la poursuite en diffamation

Affaire « Des écrits sur les réseaux sociaux » / Me Atabi Kouoto Honoré, avocat de Maurice Kakou Guikahué : « Ceux qui ont écrit dessinent leur profil, nous irons jusqu’au bout »

Me Atabi Kouoto Honoré, avocat du Pr Maurice Kakou Guikahué, a déposé plainte, hier mardi 27 septembre 2022 contre X au Parquet d’Abidjan, dans une affaire de diffamation contre son client. Dans cette interview, il nous situe sur les enjeux de cette poursuite judiciaire.

Bonsoir Maitre, il a été dit que le Conseil du secrétaire exécutif en chef du Pdci-Rda, Pr Maurice Kakou Guikahué, a porté plainte ce jour contre x, dans une affaire. De quoi s’agit-il ?

Oui, comme nous l’avions dit dans notre déclaration, il y a deux ou trois jours, nous avons effectivement déposé la plainte ce jour (mardi 27 sept.) auprès du Parquet du tribunal de Première instance d’Abidjan-Plateau. Ce n’était donc pas une menace dans l’air, mais nous avons joint l’acte à la parole. Ce matin, j’ai déposé la plainte effectivement.

Qu’est-ce qui justifie cette plainte ?

Comme vous le savez, nous tous, nous avons découvert les écrits. Nous les avons parcourus et nous distinguons deux choses. Les griefs politiques ne nous intéressent pas. Ce qui nous intéresse, c’est les allégations qui portent atteinte à la dignité et à l’honorabilité du Prof. Maurice Kakou Guikahué en tant qu’individu, en tant que citoyen. Notamment, le fait qu’on allègue que lorsqu’il a été arrêté à la suite de la désobéissance civile, les gens ont trouvé 200 millions de FCFA à son domicile. Ce qui est archi faux. Moi je suis un témoin oculaire de sa détention, parce que ce jour-là, de la DST, ils l’ont déféré à la cellule spéciale et de là, nous sommes allés à la Maca, pratiquement à 1 heure du matin. J’étais le seul avocat et pendant deux mois, je suis resté à ses côtés chaque jour. Donc, je peux témoigner, sans risque d’être démenti qu’il n’y a eu aucune perquisition qui ait pu permettre de trouver 200 millions de FCFA. Maintenant, ceux qui disent avoir trouvé 200 millions de FCFA, ils vont dire dans quel cadre ils ont découvert et où ils ont mis cette somme. Ça, c’est le premier point.

Deuxième point, on l’accuse de traitrise, qu’il a vendu le combat parce qu’il a empêché notre président, le président Henri Konan Bédié d’être candidat en 2020 et qu’en contrepartie, on lui a viré un million d’Euro, environ 655 millions sur un compte ouvert en France. Bien évidemment, c’est faux. Et on attend que ceux qui diffusent ces informations nous donnent les preuves. Donc entre autres, ce sont ces faits-là qui justifient la plainte. Sinon, les autres griefs politiques, ça participe de la vie de l’homme politique. Guikahué en a connus depuis qu’il est en activité politique. Mais ce sont ces points essentiellement qui portent sur le détournement de fonds, disons sur la corruption, c’est inacceptable. Donc, nous avons porté plainte pour diffamation parce que nous sommes convaincus que c’est faux.

Jusqu’où, êtes-vous prêts à aller dans cette affaire ?

Nous, nous sommes plaignants. C’est le Parquet qui a l’opportunité des poursuites. Le Parquet va apprécier, mais nous, nous irons jusqu’au bout. Nous ne visons pas une personne nommément désignée, la preuve, la plainte est contre inconnu. Quand bien même, ceux qui ont écrit dessinent leur profil. Mais nous, nous ne voulons pas prendre le risque de désigner des gens et puis après, nous allons être confus, si ce n’est pas eux. Parce qu’il faut qu’on soit objectif. Ça peut ne pas être des militants du Pdci. Quelqu’un peut se mettre dans cette posture et puis écrire. Mais dans tous les cas que ce soit au sein du Pdci ou à l’extérieur du Pdci, nous allons œuvrer à ce que le Parquet et les services compétents puissent démasquer celui ou ceux qui ont écrit pour qu’ils puissent apporter la preuve de leurs allégations. S’il est identifié et qu’il n’apporte pas la preuve, nous estimons qu’il y a dénonciation calomnieuse, qu’il y a diffamation, donc la loi doit s’appliquer.

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Le dépôt de la plainte ouvre-t-il en même temps l’ouverture de l’enquête ? Est-ce comme ça que les choses se passent ?

Demain, (ndlr : mercredi 28 septembre 2022) j’ai rendez-vous, parce que la plainte est enregistrée en bonne et due forme au Parquet. Le Parquet va traiter le dossier et va le confier à un service de police judiciaire. Ça peut être la gendarmerie, ça peut être la police criminelle. C’est le Parquet qui choisit le service et après, ils vont nous appeler pour entrer en profondeur, parce qu’il y a un contenu qu’on ne peut pas dévoiler, mais je donne un peu l’enveloppe de l’enquête.

Maitre, il y a eu plusieurs écrits sur Guikahué, il n’y a pas eu de plainte. Pourquoi cette fois-ci, il y a plainte ?

C’est une très bonne question. Pourquoi cette fois-ci ? Parce que nous estimons que trop c’est trop ! D’habitude, les gens écrivent : Guikahué est autoritaire, il travaille seul, il fait ceci, cela. Mais nous pensons que tout ça ce sont des griefs politiques qui participent du fonctionnement de tous les partis politiques. Mais cette fois-ci, les allégations sont graves, les accusations sont graves surtout que le Prof. Maurice Kakou Guikahué est sous contrôle judiciaire. Il y a une procédure contre lui, une procédure dans laquelle on cherche à savoir qui a financé la désobéissance civile. Alors si on dit qu’on a trouvé 200 millions de FCFA à son domicile, ça veut dire que ces fonds-là pourraient être des fonds destinés à la désobéissance civile. Mais ce que les gens oublient, c’est que Guikahué, ce n’est pas un industriel, ce n’est pas un entrepreneur. Il est professeur de Cardiologie, il a consacré toute sa vie à faire la politique. Donc 200 millions, ça veut dire quelque part, ça vient de quelque part. C’est ce que les gens oublient. On ne peut pas tolérer ça. Parce que Guikahué a soutenu n’avoir pas reçu de financement de la désobéissance civile. C’est la question fondamentale qu’on lui pose. Qui a financé ? Il a toujours soutenu que c’est une désobéissance ponctuelle, spontanée. En tout cas, lui, il ne sait pas s’il y a un financement qui a été organisé. Mais ceux qui font l’objet de la procédure savent toutes les questions qui ont été posées. Et quand nous-mêmes, on écrit qu’il y a eu 200 millions, il faut qu’on réagisse. Si on ne réagit pas, ce n’est pas bon.

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D’autres personnalités du PDCI ont porté plainte également. Est-ce que cette affaire va être traitée de façon cumulée ou bien chacun aura droit à son enquête diligentée par le Parquet?

Comme il s’agit des plaintes pour diffamation et propos calomnieux, nous ne savons pas qui est visé. Ce qui est sûr dans leurs écrits, ils ont cité beaucoup de gens. Moi, je suis Conseil du Pr Maurice Kakou Guikahué, donc, je ne peux pas préjuger de ce que le Parquet va décider, mais peut-être pour une bonne administration de la justice, ils vont comme on le dit dans notre jargon, joindre les plaintes pour chercher qui a fait quoi. Parce qu’on peut avoir une seule personne accusée, un seul auteur et puis avoir plusieurs victimes. Donc chaque victime vient pour dire voilà ce qui me touche, donc ça, c’est le Parquet qui décidera s’il faut joindre ou s’il faut faire séparément.

Avez-vous le sentiment que c’est un tir ciblé sur Guikahué et ses proches d’autant plus que son assistante a été citée. Il est dit qu’elle a cassé des bureaux pour soutirer des documents ?

Ce que je voudrais dire, c’est que je ne peux pas l’affirmer. Ça, ça tient du politique. Il y a un constat que chacun se fait. On accuse quelqu’un, on le cible principalement, généralement, on prend tous ses collaborateurs pour les incriminer, mais je ne peux dire que ce sont des tirs groupés sur lui. Si je vais sur ce terrain, il est politique. Pour moi, je constate que mon client, le Prof. Guikahué a été diffamé et c’est ça qui est important pour moi et cela sur des points qui ont un caractère pénal. Sinon, la gestion du Pdci, ça, ça ne regarde pas le Procureur de la République. Ce qui regarde le Procureur de la République, c’est l’honneur qui est bafoué, la dignité qui est souillée, la considération. Ça ne fait pas bien, parce que Guikahué est quand même une personnalité d’un certain niveau. Au plan politique et au plan professionnel. Quand même président-fondateur de la Société ivoirienne de Cardiologie (Ndlr, qu’il a dirigée pendant 25 ans, de 1992 à 2017). Dire tout ça de lui, ce n’est pas bon pour la considération.

Avez-vous foi que les auteurs de ces écrits seront retrouvés ?

Moi, j’ai été commissaire de police à la Direction de la police criminelle. J’y ai passé presque quand même les deux tiers de ma carrière. Si les OPJ font correctement leur travail en exploitant les écrits, ceux qui ont écrit ont eux-mêmes dessiné, soit leur propre profil, soit le profil de leur instigateur. Parce qu’ils ont eux-mêmes dit dans les écrits « Voilà pourquoi on s’en prend à X », en citant nommément une personne. Et selon toujours les écrits, c’est pour cette raison que les Guikahué et les autres personnes citées le combattent. La question est pourquoi ils citent quelqu’un dans les écrits alors qu’il y a d’autres personnes ? Donc, je me dis, par expérience ça devrait être facile. Mais vous savez, la technologie évolue. Quelqu’un peut se mettre sous une fausse identité et écrire des choses pour semer la zizanie dans un groupe. Sinon c’est facile à identifier. On parle de vous, mais pourquoi vous ? On pourra exploiter les techniques de recherche des profils et identifier la personne qui a écrit. Et ce sera à cette dernière de dire, soit j’ai écrit à mon initiative soit j’ai écrit sur instigation de X ou de Y.

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Quelle peine les auteurs d’une telle infraction peuvent encourir ?

Les textes sont clairs. Ce sont généralement des peines qui peuvent aller d’1 an à 5 ans de prison avec une amende conséquente. La peine est prévue par le législateur mais c’est le juge, en fonction de la gravité des faits et des circonstances, qui détermine la peine. Quand on va finir l’enquête, quand les services de police ou de gendarmerie vont identifier des gens, qu’ils vont certifier qu’ils sont les auteurs, ils peuvent les envoyer devant le procureur pour les traduire en jugement. Au cours du jugement, chacun va se défendre et puis va décider de la peine.

Quel est l’état d’esprit du secrétaire exécutif du PDCI-RDA ? Est-il à l’aise dans l’exercice de ses différentes activités ?

Vous connaissez le Pr Maurice Kakou Guikahué, il en a vu des vertes et des pas mûres. Il n’est pas à sa première agression contre son honneur. Donc, je peux vous affirmer qu’il a le moral haut. Seulement, en tant qu’animateur politique de son niveau, c’est un peu embarrassant. Mais entre deux maux, il faut choisir le moindre mal. Il y a la préservation de la cohésion à l’intérieur du parti, l’image du parti, mais il y a sa considération. Surtout qu’il est sous contrôle judiciaire. S’il ne dit rien, ça peut être exploité demain comme un aveu. Politiquement c’est embarrassant, mais il n’y a pas d’autres choix. Il y a lui et il y a sa famille. Ses enfants, ses proches estiment qu’il ne peut pas être accusé de faits aussi graves et il va croiser les bras. Il a le moral de la circonstance. Si c’était seulement des griefs politiques, on n’allait rien dire. Mais ça va au-delà de la vie politique. Moi personnellement qui suis son Conseil depuis la crise de 2020, qui sais ce qu’il a enduré, je suis du même avis, il faut qu’il porte plainte pour que la lumière soit faite. Je l’ai côtoyé quotidiennement pendant deux mois et je continue de le côtoyer, c’est toutes les deux semaines que nous sommes obligés d’aller signer sa présence, il ne peut être dans une telle situation et puis on va le salir. Surtout quand on sait ce pour quoi il est allé en prison. On ne peut pas tolérer cela.

Entretien réalisé par PAUL KOFFI et DIARRASSOUBA SORY

In Le Nouveau Réveil / Mercredi 28 Septembre 2022 – N°6171 // www.lereveil.net

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