La Haye: En Côte-d’Ivoire 20 ans après la guerre civile, une CPI toujours inerte

19 septembre 2002-19 septembre 2022. Aucun Ivoirien n’a oublié l’entrée en guerre de la rébellion qui a coupé le pays en deux pendant 10 ans: des milliers de victimes, des promesses non tenues de la CPI (voir l’image ci dessus de l’ex procureure Fatou Bensouda de 2012 à 2022)

Le 19 septembre 2002, le président de l’époque, Laurent Gbagbo est en visite diplomatique à Rome, lorsque son pays fait l’objet d’un coup d’Etat. Des rebelles ivoiriens avec à leur tête Ibrahim Coulibaly, dit IB, attaquent simultanément Abidjan et les villes de Bouaké et Korhogo. Le putsch échoue, mais les assaillants se replient dans le Nord et coupent le pays en deux. IB est vite évincé au profit de Guillaume Soro qui rebaptise les rebelles en Forces Nouvelles.
Exécutions sommaires, viols, pillages

Au cours de ces dix années, les Forces Nouvelles se sont livrés à de multiples crimes dont certains sont bien documentés. Il s’agit notamment de l’exécution sommaire de soixante gendarmes et de leurs enfants à Bouaké le 6 octobre 2002 ; du massacre de 99 compagnons d’IB mort par asphyxie, ils avaient été enfermés et entassés dans un container laissé volontairement au soleil en septembre 2003. La petite histoire raconte qu’un seul de ces hommes a réussi à en sortir vivant, il est depuis devenu bouddhiste. L’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire et Amnesty International ont également documenté plusieurs charniers à Korhogo, des viols, des crimes. Sans compter toutes les exactions commises dans l’Ouest du pays contre les populations de l’ethnie Wé.

D’autres crimes, comme l’assassinat de Robert Gueï, ancien président de 1999 à 2000 et de son épouse Rose n’ont jamais été élucidés.

A leur actif aussi des vols et des pillages, café, cacao, coton, sans oublier le casse de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest en septembre 2003.

La CPI a la mémoire qui flanche

Aucun de ces crimes n’a été puni, les familles de victimes et les victimes elles-mêmes n’ont jamais été indemnisées. En octobre 2011, un mois avant que Laurent Gbagbo ne soit transféré à la prison de la Haye pour les crimes présumés pendant la guerre de 2011, les juges de la Cour pénale avaient autorisé le procureur à enquêter sur les crimes commis depuis 2002.

Puis alors que le procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Gouda prenait déjà l’eau de toute part, la même Fatou Bensouda, avait déclaré : « J’ai toujours dit que nous allions enquêter sur toutes les parties concernées. Cela prend du temps, mais nous allons aussi enquêter dans le camp du Président Ouattara ».

Il s’agissait alors de juger les responsables des crimes depuis en 2002 jusqu’à ceux de la crise postélectorale de 2011. Que s’est-il passé depuis ? Rien. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été acquittés après respectivement 7 et 5 ans de prison. Mais l’autre camp n’a jamais été inquiété.

Tout se passe comme si le flop du procès de l’ancien président avait signé la fin de la mission de la CPI en Côte d’Ivoire et que Guillaume Soro qui dirigeait les forces nouvelles à l’époque et ses amis avaient été amnistiés, graciés. Comme si la Cour avait passé l’éponge sur une décennie de malheurs.

Pour rappel, le 29 et 30 mars 2011, les FRCI, soldats ivoiriens sous l’autorité d’Alassane Ouattara et de son ministre de la Défense Guillaume Soro ont tué à Duékoué dans le centre du pays, 816 personnes en moins de 48 heures.
L’exemple de l’Ouganda

Le Burkina Faso voisin qui et c’est de notoriété publique a formé, armé, hébergé les rebelles et leur a donné une base arrière, n’a, lui non plus, jamais été inquiété. La Cour pénale internationale aurait pu pourtant agir avec cet Etat, comme l’a fait la Cour internationale de justice avec l’Ouganda. En février 2022, Kampala a été condamné à verser 325 millions de dollars pour réparation de guerre à la République Démocratique du Congo. C’est peu pour la mort de 10 à 15 000 civils, le déplacement des populations, le pillage des matières premières, mais c’est au moins une reconnaissance de culpabilité.

Les Ivoiriens, eux, n’ont même pas le droit au symbole.

Mondafrique

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